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Sélection Off Avignon : Chronique 2

13 Juil 2023 | Festivals, Spectacles vivants, Théâtre, Vaucluse

Rinocerii (Rhinocéros)

Êtes-vous atteint de rhinocérite aigüe, cette maladie qui conduit à une consommation effrénée qui peut frapper tout individu se pensant pourtant bien portant ? Cette réflexion est au cœur de la pièce de Ionesco Rhinocéros, vigoureuse satire du monde capitaliste, comme de tout univers totalitariste, dont le metteur en scène Alain Timar s’était emparé il y a une douzaine d’années dans ce même Théâtre des Halles, flanqué d’une équipe de comédiens coréens. Du cadre asiatique avec son ultralibéralisme, on passe cette fois-ci à l’Europe centrale, puisque la rhinocérite ne connaît pas de frontières, avec une troupe de comédiens roumains issus du Théâtre Municipal ‘’Matei Vișniec’’ de Suceava. Rappelons l’argument : dans un monde devenu temple de la consommation, la marchandise règne en maître, propageant une nouvelle maladie : la rhinocérite, d’abord sournoise puis ravageuse. Seul Bérenger résiste, quidam perdu parmi la multitude, son humanité entrant inéluctablement en collision avec la bestialité de ses autres congénères. S’il ne reste plus qu’un humain, il sera celui-là ! Une dérive tragi-comique du consumérisme à outrance que dénonce cette pièce où l’humain et le consommateur ne font qu’un. La mise en scène penche volontiers vers la farce ubuesque, fanfare à l’appui, lâchant la bride à ces drôles d’animaux mi-fauves et mi-humains. Les comédiens, à fond les caddies, transmettent cette folie qui nous embarque dans un univers tragi-comique où le rire n’exclut jamais la réflexion. On songe à ces mots de la philosophe Simone Weil : « C’est la qualité de notre attention aux autres et aux choses qui accroît nos chances d’échapper à la barbarie tapie au fond de nous. Voir l’être concret au-delà de la chose abstraite. »

7 au 26 juillet à 11h. Théâtre des Halles.

Luis Armengol

Tableau d’une exécution

Peintre consacrée, Galactia, « arrogante, vaniteuse et même pas jolie » disent ses ennemis, et elle n’en manque pas, est chargée par le Doge de Venise (remarquable Nicolas Gény) de la réalisation d’une œuvre monumentale représentant la victoire des Vénitiens sur les Turcs à Lépante en 1571. Une façon pour la République d’affirmer sa suprématie et d’alimenter un récit nationaliste dont le tableau doit être le point d’orgue. Mais l’artiste choisit de peindre un massacre plutôt que la gloire de la victoire. Stupeur et colère des commanditaires. Si la pièce de Howard Barker (poète, peintre et dramaturge) explore les relations de l’artiste avec le pouvoir, elle interroge également la place des femmes dans l’art. Interrogation à la fois esthétique et politique – fabrication d’un tableau et fabrique d’images à des fins politiques – Tableau d’une exécution soulève salutairement quelques lièvres dont celui de la commande officielle d’une œuvre d’art. Jusqu’où celui qui l’exécute s’engage-t ’il, au risque d’être exécuté lui-même en tant qu’artiste ? « Être compris, c’est la mort » dit Galactia quand elle réalise que son tableau, qui lui vaut d’abord la prison, a fini par convaincre ceux-là mêmes qu’elle osait défier. La pièce est adroitement orchestrée par la mise en scène d’Agnès Regolo d’une subtilité que l’on retrouve dans le jeu plein de nuances des comédiens de la Cie Du jour au lendemain, tout comme l’est le texte qui échappe à tout manichéisme en éclairant l’ambiguïté des rapports entre l’artiste et le pouvoir, à cet endroit obscur de la jonction de l’intime et du politique.

7 au 26 juillet à 18h45 au Théâtre des Halles.

L.A.

Derrière le hublot se cache parfois du linge

On est en bonne Cie avec Les filles de Simone qui continuent leurs travaux méningés après le succès mémorable dans un Off précédent de C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde. Leur nouveau spectacle s’appelle Derrière le hublot se cache parfois du linge et il est aussi décapant que les précédents. Le modèle patriarcal en ressort évidemment complètement lessivé, fidèle à la réputation sans tâche d’un collectif qui croise volontiers le fer à repasser avec les machos de tout poil. Cette fois-ci, véritable événement, Les filles de Simone invitent un homme sur scène, André, le pauvre, pour disséquer « ce petit système hétéronormé qui ne rime pas encore avec égalité ». Dans un décor domestique plutôt bordélique où la machine à laver occupe la place centrale, André laisse traîner partout ses affaires, serviettes, chaussettes et autre jogging ainsi que sa tasse et ça énerve sa femme. Normal. Histoire de chauffer le burlesque de jeu et de situation, on a droit en préambule à une scène tirée de l’Avare quand le type veut planquer sa tasse comme Harpagon sa cassette. D’autres citations jalonnent le spectacle, de Shakespeare jusqu’à Grease, puisque la parodie n’interdit pas d’évoquer des choses sérieuses. Dont celle-ci qui régit quand même depuis la nuit des temps la relation homme-femme : pourquoi continuer encore à vivre en couple, alors que le couple c’est l’enfer (à repasser, voir plus haut) comme a failli répondre Simone (de Beauvoir) à Sartre lorsqu’il l’a demandée en mariage. Bref, si vous voulez vous épargner une thérapie de couple, qui coûte beaucoup plus cher, allez plutôt voir ce spectacle aussi vachard que tendre, puisque c’est d’amour dont il est question, avec en bonus (lave plus blanc) un excellent trio de comédien.e.s. qui mène cette histoire de machine à laver (le linge sale en famille)) tambour battant.

7 au 26 juillet à 20h20 au 11

L .A.

 

Et aussi…

Les cœurs Andalous

En Andalousie, les femmes perpétuent une vieille coutume. Avant de mourir, elles brodent un cœur en tissu rempli des écrits de leurs secrets qu’il est interdit d’ouvrir au risque d’être maudit. Lola décide de ne plus porter le poids de son histoire familiale et ose pénétrer les secrets inavoués de son aïeule. S’ouvre alors la porte de ses origines, jardin peuplé de fantômes, de passions contrariées, de ronces épineuses et de roses couleur sang.
Voyage transgénérationnel vibrant qui fusionne chant, danse et guitare, Les cœurs Andalous, tiré du roman de Carole Martinez, convoquent aussi bien Garcia Lorca qu’Almodovar, pour un théâtre musical aux accents gitans et flamencos envoûtants.

7 au 29 juillet à 18h à l’Espace Roseau Teinturiers.

Vaincre à Rome

D’après le roman de Sylvain Coher, l’incroyable histoire du premier champion olympique noir africain, Abebe Bikila, qui franchit en vainqueur la ligne d’arrivée le 10 septembre 1960 à Rome, pieds nus. 25 ans plus tôt, au même endroit, Mussolini avait déclaré qu’il allait régler « le problème noir » avant d’envoyer ses troupes en Ethiopie. Théâtre, danse et musique font la course ensemble pour retracer ce qui fut un des plus grands exploits de l’histoire du sport.

7 au 24 juillet à 17h30 à la Manufacture, Château. 

 

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