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Lavérune : l’artiste Manuel expose au Musée Hofer-Bury du 2 au 24 avril, par BTN

3 Mar 2022 | Non classé

Il est des artistes qui osent résister aux tendances dominantes qui relèguent aux oubliettes métier et tradition, tableau et figure, réalisme en peinture et plaisir de peindre sans toutefois renoncer à une certaine profondeur de pensée. Manuel est de ceux-là. Il peint, à l’huile, à la manière des classiques, mais celui qui cherche à y voir de plus près s’apercevra très vite que son art relève davantage de la fameuse « inquiétante étrangeté » dont parlait Freud que de la servile copie bien léchée des grands maîtres. Ses toiles seront exposées au musée Hofer-Bury de Lavérune du 2 au 24 avril. 

D’abord, ses toiles de lin témoignent d’une indéniable unité de ton. Les couleurs sont sourdes, l’ambiance s’accommode des différentes nuances du gris, la systématisation du clair obscur : tout est fait pour déréaliser les scènes empruntées au réel. La maison, comme chez Bachelard, devient le lieu où il se passe des choses. L’intérieur, l’espace où se découvre le monde intérieur justement. Les formats, discrets s’y prêtent. Manuel privilégie d’une part les choses, de l’autre les êtres, et bien souvent la combinaison des deux. Les choses, les choses muettes dont parle Baudelaire, elles sont choisies pour leur caractère désuet, portions de corps de mannequins laissés à l’abandon, après avoir fait le bonheur de quelques regards émerveillés devant des créatures de rêve. Un peu comme la Peinture dans nos écoles d’art aujourd’hui. Le mannequin est l’équivalent inanimé de la perfection, ainsi que nous le rappelle quelque conte d’Hoffmann. Le fait de le laisser pour compte marque bien la relativité des goûts et des critères esthétiques. Manuel leur rend en quelque sorte hommage, tout en leur accordant une valeur métaphysique à l’instar d’un Chirico, d’autant qu’ils renvoient aussi à certaines professions délaissées par l’inconstance humaine.

Les mannequins sont figés dans une posture définitive, et semblent regarder ailleurs, vers cet invisible attrayant, cette quatrième dimension qui attise toutes les curiosités. Les êtres sont essentiellement féminins, empruntés à l’univers familier du peintre, souvent saisis en plan rapproché. Ils pensent plus qu’ils ne parlent – quand cela leur arrive, ils murmurent. Ils semblent plongés dans leur pensée. Leur univers naturel est le monde du silence. Le peintre parle d’ailleurs, à propos de sa production, de « peinture silencieuse ». Ils renvoient ainsi, sous nos regards, à la dimension du rêve, de la rêverie, ce qui ne signifie pas forcément une situation confortable, un ailleurs meilleur. On fuit parfois le réel pour se plonger dans les affres de l’angoisse, de l’obsession, de la terreur. Fréquemment le peintre rapproche deux objets (une petite maison et un petit garçon de bois). Mais le plus souvent, les personnages ont affaire aux objets : à d’envahissantes cocottes en papier le temps d’une nuit blanche, à une maquette de prédateurs que l’on observe, dans la plus parfaite et (et sadique !) impuissance, ou encore à une poupée qu’il faut impérativement coiffer, alors que l’on n’a décidément plus l’âge.

L’univers de l’enfance n’est pas loin. La collection de barbies abandonnées sollicite cette période qui ne fut pas que rose ainsi que le rappellent certaines peintures de Max Ernst, certains films espagnols, et qui correspond au début des traumatismes qui hanteront ensuite l’âge adulte. C’est dans la nature, l’essence même de la peinture que d’être figée. Ainsi, ses personnages incarnent-ils cette absence d’action. Cette absence même de personnage dans des tableaux comme Le grand soir, Le langage des ombres ou les Touches de lumière. Les tableaux de Manuel ne sont pas seulement époustouflants de précision. Ils nous incitent à la méditation, à la pause dans la tourmente, à l’exploration des univers intérieurs, plus riches qu’on ne le pense que le bruit et la fureur ambiants. En un sens, ils font arrêt sur image, mais les siennes ne sont pas de convention ni de stéréotype. Elles relèvent de l’intimité sacrée. Et nous la font partager plus profondément que celle qui circule sur les réseaux sociaux.

BTN

Plus d’informations : laverune.fr

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