Pas facile pour des artistes encore jeunes d’occuper ainsi le devant de la scène et d’investir les locaux, il est vrai bien découpés, de la Panacée. D’autant que leur intervention est mise en parallèle avec celle de leurs aînés du MO.CO. (Parade, une scène franaçise) dont ils assurent la filiation, sauf qu’il ne s’agit pas ici de présenter quelques œuvres mais d’occuper un lieu, ce qui justifie le recours au In situ.
Aurélien Potier en particulier a rempli l’espace de cinq installations horizontales ou verticales, en forme de table d’un côté, de mobilier quotidien de l’autre, rendue méconnaissable par les transformations qu’il leur fait subir. Il érige en effet des constructions à base de bois usinés et laissés pour compte, souillés de mortier et enrichis de cire à travers lesquels il multiplie les dessins dans l’espace, grâce à des tiges de métal incurvées. On pense à un objet échevelé, à un poème qui transgresserait ses règles, à un morceau de jazz ou à des improvisations chorégraphiques. Au mur, se profilent d’étranges écritures, beaucoup plus discrètes, soit ramassées sur elles-mêmes, à base d’acier déformé, soit ébouriffée et foisonnante comme un dripping sculptural. Une grande plaque de métal est traversée de gestes rouillés. Le mur est parfois maculé de mortier comme si l’artiste, après être passé du plan au volume, passait du volume à l’architecture. De petites plaques métalliques viennent rythmer le parcours mural qui se veut économe en moyens, et pragmatique dans l’art du recyclage. Le désir comme remède à la défaillance et la recomposition à la destruction.
Laura Garcia-Karras n’a point hésité, même si sa démarche paraît à la base plus traditionnelle puisqu’elle peint des tableaux, à accaparer la voute de l’un des salles mises à sa disposition et à couvrir ainsi le plafond d’une longue peinture bien dans l’esprit de ses toiles. Celles-ci, le plus souvent all over, semblent flirter, c’est le cas de le dire avec des formes tant anatomiques que végétales, renvoyant aussi bien à l’infiniment petit qu’aux grands espaces infinis. Ainsi les motifs que certains associeront à une flore étrange relèvent-ils autant de l’imaginaire que du réel d’où ils prennent leur source. Sauf qu’ils jouent sur l’ambiguïté de leur identification verbale et sur l’hybridité qui les définit. L’artiste alterne les grands et les petits formats. Les premiers effectuent des très gros plans frontaux sur des motifs démesurés. Les seconds isolent, de manière plus intimiste, les référents chers à la peintre, au fond les différents éléments présents dans sa recherche. Car il s’agit d’une quête au cœur des choses, avec sa part de mystère. Le travail est bien léché, la lumière en est une composante maîtresse, les couleurs ne font pas dans la grisaille mais exploitent au contraire toute leur gamme charnelle. On suit bien, au fil du parcours, l’évolution vers une intimité plus profonde encore, envers le motif dominant. Une façon de préciser la confiance en la peinture et de croire à son éternel retour. Pérennial.
BTN
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