De nombreuses structures culturelles ont dû fermer leurs portes ces dernières semaines. Pourtant, elles avaient travaillé sur des expositions de grande qualité. BTN vous propose une visite virtuelle de ces lieux en vous partageant ses textes qui pourront vous rapprocher au plus près de ces expositions.
Mondo Dernier Cri, au Miam (Sète)
Incroyable ce que ce petit port de plaisance et de pêche peut s’avérer, en toutes circonstances, sous les feux de l’actualité artistique. On en finit par se demander si l’île singulière ne détient pas le record du nombre d’artistes au mètre carré. Aussi l’expo actuelle du Miam, Le dernier cri, lui va-t-elle comme un gant, si l’on se réfère à l’acception la plus usuelle de cette expression : à la pointe, qui n’est pas toujours courte. En fait, il s’agit d’honorer un atelier marseillais de sérigraphie, friche Belle de mai, dont on réalise, depuis 26 ans, l’incroyable prodigalité. Autant dire que l’on en prend plein les yeux, d’affiches en ouvrages et de papiers découpés à la mexicaine en pochettes de vinyles ou jeux de cartes. Une explosion de couleurs, de traits, et bien sûr d’images sur des thèmes universels et qui incarnent bien le genre humain tel qu’on peut le définir aujourd’hui : violence, sexe (une salle lui est réservé mais il est omniprésent dans l’exposition), créatures cauchemardesques traduisant sans doute une fascination/répulsion pour l’horrible, politique et religion dans leurs aspects les plus angoissants, intérêt pour l’hybride et le zoomorphisme animal, pour le corps dans sa partie organique et charnelle, la mort évidemment, cet autre dernier cri… Et la distance, l’ironie, l’humour, cerises sur le gâteau…
Ajoutons à cela que Le denier cri ne s’est pas contenté de livrer ses tirages rutilants et ses expériences livresques d’une très grande variété : il a invité des confrères d’un peu tous les pays : d’Amérique du Nord ou du Sud au cœur de l’Europe (de tous les points cardinaux) en passant par la Turquie ou le Japon et même la Grande Bretagne ou la Finlande. Le parti pris est celui de la pléthore. Il y a déjà beaucoup d’images dans le monde et cette exposition ne le nie pas. Elle en offre un condensé, une sorte de mise en abyme, en mettant en exergue un style décoincé, sans complexes, et qui ne fait pas dans la sobriété. Le risque était que le spectateur se perde un peu même si, après tout, un chat peut toujours, avec un peu de patience et de volonté, retrouver ses petits, en l’occurrence l’image rare, cette qui fait tilt, que l’on a envie d’adopter. Toujours est-il que le scénographe et animateur du Dernier cri, Pakito Bolino, a su éviter l’engloutissement dans un trop plein de propositions graphiques de plusieurs manières : d’une part en jouant sur les deux espaces, le rez-de-chaussée s’avérant plutôt lié aux tirages multiples, l’étage plutôt aux vitrines dévolues aux livres. D’autre part en compartimentant l’espace en autant de box qui invitent à se familiariser avec la production de tel ou tel pays avec lequel LDCi entretient des rapports confraternels. Ce découpage spatial produit une respiration, un rythme proposé, une prosodie qui permet de ne point s’égarer le corps ni le regard. Enfin, un certain nombre de pauses sont prévues, qui permettent au visiteur de souffler entre deux rafales d’images. Ce sont avant tout les films d’animation qui focalisent en effet le regard et forcent à l’arrêt temporaire. En quelque sorte, l’image en mouvement nous repose du mouvement vers les images. Et aussi un certain nombre de personnages, parfois des objets, appelons-les sculpturaux, tout droit sortis de l’univers fictif qui nous entoure, et qui viennent attribuer du relief à l’imaginaire déferlant. Sur le mur qui relie le bas à l’étage des affiches, en taille graduelle, sagement alignées, donnent un aperçu de la production sérigraphique internationale réalisée par LDC.
Il ne faut pas oublier le hall d’accueil, qui nous plonge dans l’ambiance avec une fresque et un patchwork en guise de rideaux ou tentures mais surtout une presse qui permet de comprendre le processus de fabrication. Puisqu’il s’agit de multiples, on se destine au plus grand nombre, plus en rapport avec l’universel donc. Et comme le multiple paraît bien plus humble que ses parents riches que sont la peinture ou même la gravure, il correspond bien à la vocation modeste du Miam.
BTN