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Entretien avec François Fontès à propos des Libraires Sauramps

13 Oct 2017 | Les interviews

« Je crois en la magie du livre tout simplement ! »

Nous connaissons les talents d’architecte de François Fontès, ce créateur dont les ouvrages rayonnent dans le monde entier et qui d’ailleurs inaugure en octobre la faculté de médecine de Montpellier, un édifice magnifique qui va faire le bonheur des étudiants.

Cette fois, ce n’est pas pour parler architecture que nous sommes allés à la rencontre de cet homme passionné d’art et de littérature mais pour évoquer le rachat des librairies Sauramps. Une institution (depuis près de 70 ans) à Montpellier désormais propriété de François Fontès dont l’offre de rachat a été retenue. Associé à son ami Bertrand Barascud dans cette belle aventure, il compte donner un nouveau souffle à Sauramps. Dans l’entretien qui suit, il explique sa vision du développement de cette nouvelle activité pour laquelle il se passionne.

Quelle a été votre motivation pour vous engager dans cette aventure, celle de sauver le groupe Sauramps ?
J’ai toujours manifesté de l’intérêt au regard de la densité culturelle menée par Sauramps depuis plus de 50 ans à Montpellier. Je me suis naturellement positionné comme repreneur potentiel car au delà de la passion que j’ai pour le livre et l’institution que représente Sauramps, j’ai imaginé un projet de reprise cohérent. Parmi les deux repreneurs potentiels (NDLR : Le Furet du Nord s’était également positionné) j’ai toujours pensé que notre projet était le meilleur sans remettre en doute les capacités de l’autre entreprise et je suis heureux d’avoir été convaincant afin que la décision de reprise nous revienne. Avec mon ami et associé Bertrand Barascud, directeur général du groupe Amétis, on s’est dit : « On y va ! ». Nous avons également été soutenus par le maire de Montpellier et président de la Métropole Philippe Saurel qui savait que non seulement nous avions un vrai projet culturel mais aussi que nous allions faire en sorte de « sauver le navire ». Ce qui veut dire sauver Sauramps au centre-ville, Sauramps au Musée Fabre, Sauramps à Odysseum et Sauramps à Alès.

Il vous paraissait important de conserver Sauramps à Odysseum !
En effet, Sauramps Odysseum est un lieu stratégique car c’est là que se situe la plus grande marge de progression. A Odysseum, nous ferons un travail d’approche auprès des jeunes afin de les amener à la culture. Il faut que les jeunes se rapprochent du livre et pour cela utiliser les nouvelles technologies, par exemple les objets connectés.

Vos projets doivent rassurer le personnel de Sauramps ?
Ce qui fait l’essence de Sauramps, ce sont ses salariés, ils en sont la moelle épinière. Il y a des personnes formidables non seulement parmi les libraires mais aussi dans tous les autres services. Une des raisons de notre volonté de reprise était l’excellence de ce personnel et nous avons décidé de garder le maximum de personnes.Avec ce personnel nous voulons faire de Sauramps un fer de lance culturel et participer à ce que Montpellier soit une ville majeure de la Méditerranée. Et Sauramps aura un message culturel qu’il saura exporter.

Quels moyens allez-vous donner à cette librairie de tradition pour la redynamiser ?
D’abord des moyens financiers ! Nous avons commencé par injecter des fonds pour pouvoir reconstituer les stocks. Cela est fait ! Nous voulons redynamiser le personnel qui a été balloté depuis des années. Il a vécu trop longtemps sans savoir si Sauramps allait perdurer ou pas et si oui dans quelle mesure et quelles conditions. Il y avait donc une démotivation. La priorité a été de remettre de la sérénité dans les esprits et de les motiver à s’inscrire dans un nouveau projet. Chacun va pouvoir exprimer son savoir faire et comme en plus il y a du talent, je pense que nous pourrons suivre un cap d’excellence. Certes Bertrand Barascud et moi ne sommes pas libraires mais au-delà de notre apport financier, nous avons des atouts dans le domaine culturel, de la pertinence dans l’organisation, des réseaux et bien évidemment une grande passion.

Quel est votre rapport au livre et au monde de la littérature ?
Je crois en la magie du livre tout simplement ! Cette magie du choix du livre quand on entre dans une librairie et que l‘on est conseillé par un libraire passionné. Nous allons mettre l’accent sur les éditeurs régionaux. Il y a de très bons éditeurs en région comme « Au Diable Vauvert » de Marion Mazauric qu’il faut soutenir, et d’autres. Il faut soutenir également ce qui fait l’ADN de la Méditerranée ; avec d’un côté cette pensée qui est diffusée dans le monde entier, la pensée occidentale et également la pensée orientale qui est de l’autre côté de la Méditerranée.
En tant que passionné de Fernand Braudel, (NDLR : historien français et académicien 1902-1985) et de Jacques Berque, (NDLR : sociologue et anthropologue orientaliste français décédé en 1995), dont je partage la vision de passeurs entre les deux rives de la Méditerranée, cette idée m’interpelle et me conditionne. L’idée que Sauramps puisse être un des éléments participant   cette harmonie qui a existé dans des temps passés entre les deux rives de la Méditerranée, me séduit énormément. A ce sujet, je rejoins Philippe Saurel qui avec une grande justesse de vue, pense à fédérer les grandes villes de la Méditerranée. C‘était également une idée que voulait développer Fernand Braudel à l’époque. Et que Montpellier devienne le fer de lance de la culture en Méditerranée m’intéresse au plus haut point. Et si Sauramps peut s’inscrire dans cette partition, j’en serais particulièrement heureux.

Comment voyez-vous la place de Sauramps dans le paysage culturel montpelliérain au 21ème s. ?
J‘y vois beaucoup de transversalité et je pense que la librairie est un outil merveilleux mais pour qu’elle devienne un axe de culture, elle doit s’intéresser à tout ce qui fait l’art en général, c’est-à-dire les arts plastiques, les arts de rue, la musique, le théâtre, la danse. Tout cela doit rayonner chez Sauramps. Nous avons de grands événements culturels à Montpellier, notamment des festivals de renommée internationale, nous devons trouver des collaborations.

Et puis la jeunesse qui vous tient particulièrement à coeur, comme vous l’évoquiez plus haut ?
Exactement. Impossible pour moi de concevoir quoi que ce soit sans que cela soit tourné vers l’avenir et donc notre jeunesse qui le caractérise. Cela passe aussi par d’autres produits que nous connaissons tous, notamment les objets connectés. On trouvera d’ailleurs ces produits de dernière technologie à Odysseum. Nous organiserons des événements liés aussi à ces nouvelles technologies, des rencontres, des conférences, etc. Comme je le disais, il est essentiel de faire revenir les jeunes et de les connecter le plus possible à la culture. Il y aura encore plus de bandes dessinées, domaine qui a le vent en poupe. On va redynamiser le rayon Mangas, etc. Nous souhaitons que les gens viennent à Sauramps en se disant qu’ils vont y trouver un melting pot culturel et cela même si le principal de l’activité demeure la librairie.

L’acquisition de Sauramps semble être une belle continuité dans votre activité globale ?
Effectivement et j’en suis très heureux. L’architecture est un monde de rêve, de culture, un monde où la créativité est mise en exergue et je crois que Sauramps c’est aussi cela. C’est un monde où on peut créer, rêver. On veut créer des liens avec les personnes qui viendront à Sauramps, c’est donc une belle aventure humaine. Je ne dis pas pour autant que c’est une belle aventure financière mais c’est une sacrée aventure !

Dans l’art et la culture, qu’est ce qui vous passionne ? Dans votre temps libre, naturellement vous allez vers quoi ?
Quand j’ai du temps libre, je vais vers la nature. C’est une chose essentielle pour moi, ne serait-ce que pour en sentir la présence. Comme on sent la présence à l’art, comme on sent des résonances. Ce qui m’intéresse avant tout dans la vie, ce sont les résonances. L’art est probablement la plus inutile de nos activités mais c’est certainement la plus importante ! Quand on considère que c’est peut-être la seule façon d’exorciser la mort et de nous arracher notre consentement à la vie.

Et l’idée de créer une fondation est quelque chose qui fait partie de votre réflexion ?
(Sourire). Cela m’a traversé l’esprit. C’est également une possibilité… _

Stéphane Jurand

 

www.sauramps.com

 

 

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