À seulement 23 ans, Mathilde Biron fait partie des photographes les plus prometteurs de sa génération. La jeune femme a fait de l’intime et de l’authenticité esthétique les bases de son travail photographique (quelques-unes de ses créations ont fait sensation dans le dernier numéro « sexe » des Inrocks). Grand admirateur de ses captations du temps, je ne voulais pas manquer l’occasion de la rencontrer ! Nous nous donnons rendez-vous au Café Joseph…
Mathilde nous parle de son parcours, de ses obsessions artistiques, de son livre publié aux éditions des Presses Littéraires, ainsi que de ses projets…
Comment la photo est venue à toi ?
J’ai commencé par le mannequinat assez jeune, à 17 ans. Puis je suis rentrée en classe préparatoire pour l’Ecole normale supérieure en section design à Toulouse. J’avais du mal à comprendre la perspective, on m’a donc amené à découvrir le processus de développement des photos. J’y ai très vite pris goût et je me suis logiquement tournée vers l’argentique.
Rapidement tu as trouvé ton identité, en photographiant des femmes, l’intimité…
L’intime m’a toujours beaucoup intéressé. Pendant l’adolescence, j’avais un rapport à mon corps qui était compliqué et la photo m’a aidé à me réapproprier ce corps par la nudité. J’aime cette confrontation avec son corps, comme il est, sans rien, juste avec sa nudité. On est face à soi-même. J’aime aussi le fait qu’il n’y ait aucune appropriation à des vêtements ou à une époque. L’argentique rajoute à ce phénomène… Il n’y a vraiment aucune indication temporelle. En étude j’ai commencé à faire des photos, un peu comme un carnet de vie, tout en ayant mes projets à côté… Quand plus tard je me suis installée sur Paris, je vivais dans un loft avec un ami mannequin et son compagnon. Nous vivions tout le temps ensemble et je les photographiais souvent. Sur les réseaux, plusieurs personnes sont venues vers moi en me disant qu’ils aimaient ce que je faisais et certaines ont même eu envie de poser pour moi. J’y allais comme ça, on faisait des photos, c’était enrichissant et sympa à la fois !
Crédit : Mathilde Biron
Tu connais un premier succès avec ton livre Ne sois pas vulgaire publié aux Presses Littéraires ?
Jérôme Fricker (l’éditeur) a découvert mon travail sur Facebook et m’a contacté. Nous nous sommes vus un soir alors que je sortais du travail et il m’a fait signer un contrat d’édition. J’avais du mal à y croire… Ça va faire bientôt deux ans que le livre est sorti. Avec le recul, je le vois comme un journal de vie de mon époque étudiante, quand on est jeune, qu’on fait la fête, qu’on découvre aussi le monde parisien, une liberté… C’était aussi une réflexion sur l’espace de la ville et de la place de notre corps dans cet espace. Le livre a bien marché, il est en réimpression.
Tu as en projet d’en publier un nouveau ?
Oui, il sera en huis clos, donc il y aura moins ces aspects « fêtes », « nuits endiablées »… Quand on commence en photo et qu’on veut travailler sur l’intime, on a tendance à se diriger vers la facilité et donc vers la sexualité. Mais l’intime c’est quelque chose de beaucoup plus difficile à travailler… J’essaye de m’approcher d’une certaine vérité, avec plus d’émotion et moins de sexe. Pour y parvenir, je dois trouver les bonnes personnes. Chacune doit me donner une part de sa vie, de son intimité, dans un cadre qui est le sien. Je fais donc les photos chez les modèles, sans mise en scène, juste avec les objets du quotidien…
Quand tu parles de huis clos, il est difficile de ne pas penser au confinement que nous venons de vivre… Comment as-tu travaillé durant cette période atypique ?
Il faut imaginer. Comme beaucoup de monde, j’étais seule dans un espace restreint pendant deux mois, (même si j’étais avec mon chat que j’ai beaucoup photographié) il fallait tous les jours montrer quelque chose de différent. J’ai fait un journal photo du confinement sur Instagram, c’était très intéressant de vivre ça. En fonction de mon humeur, les photos et les expressions n’étaient pas les mêmes…
Crédit : Mathilde Biron
Quels sont tes projets ?
J’ai fait une exposition en février dernier qui s’intitulait Idiote pudeur chez Jean-Louis La Nuit à Paris. Je n’ai pas trop envie d’en refaire une pour le moment… Je pense que c’est bien d’avoir un à deux gros projets par an. Le livre sera le deuxième. Sinon ça m’intéresserait de refaire une exposition, mais ailleurs qu’à Paris, pourquoi pas à l’étranger…
Recueilli par Thibault Loucheux