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Sommières : l’artiste Nabli présenté à l’espace Lawrence Durrell du 21 mai au 20 juin, par BTN

23 Avr 2021 | Expos, Expos, Gard

Des œuvres de Nabli, on ne saurait nier qu’elles témoignent d’un attachement viscéral à la couleur, vive et franche, d’un goût évident pour le dessin bien léché et d’un besoin absolu de recouvrir entièrement la toile, à l’instar des peintres du « all over », comme si le tableau s’avérait un bien trop précieux pour ne point en laisser perdre la moindre parcelle.

On a d’un côté une série d’œuvres qui ne cachent pas leur plaisir à recourir à la figure, dans des mises en scène soignées, étudiées et j’ai envie de dire « parlantes » – on en sent l’ironie, l’humour ou l’engagement sous-jacent. D’un autre côté, une volonté de laisser les formes, et notamment la géométrie la plus aiguë, s’émanciper de sa sévérité la plus abstraite afin de se décliner, librement dans une dynamique quasi chorégraphique, dans un ballet de couleurs dans un certain ordre assemblées.

Dans les deux cas, figures ou formes, la ligne est nette, Nabli n’entend pas faire dans l’à-peu-près. A contraire, il semble que le tableau recherche cette « mise au net » que permet son recours à une surface plane, aux antipodes d’un impressionnisme, ou d’un expressionnisme subjectif. Il se rapprocherait au contraire d’un surréalisme de l’image, celui de Magritte en particulier, dont il lui arrive de reprendre les motifs, hommage et filiation assumés. Cela permet à l’artiste de surprendre son public, soit qu’il recoure à des créatures fantastiques, notamment des hybrides, soit qu’il se mette en scène dans des situations inattendues, soit qu’il joue un peu des deux (voler la clé à une sorte de minotaure occupé à reposer, ou à poser). L’hybridité au demeurant, un siècle après, n’est plus de la même nature qu’à l’époque de  ses glorieux ascendants. Elle était alors marquée par la voie royale du rêve, l’exploration de l’inconscient et l’émerveillement produit par le stupéfiant-image. De nos jours, l’hybridité, la science aidant, relève du champ du possible et révèle des différentes exactions dont l’homme pourrait se rendre coupable dans un avenir pas si éloigné que cela.

Et parmi ces aberrations, celle qui veut que les prix de certaines œuvres d’art atteignent des sommes mirobolantes et indécentes, quand on sait la relativité des choses humaines et la vanité, souvent hasardeuse ou catastrophique, d’une vision à courte vue, d’une hypertrophie démesurée du présent. C’est ainsi que Nabli s’est mis récemment à fustiger, parfois amicalement, le milieu de l’art : celui des Pinaud et des Koons d’une part, celui de nos Combas, Di Rosa et même son ami Viallat de l’autre. Il le fait avec élégance, en pastichant leurs techniques ou images de marque. Mais aussi en les plaçant dans la l’incontournable pose pour la postérité dont rêve chacun au fond de lui-même. A Bacon, il emprunte ce rose si particulier qui témoigne de son obsession de la chair torturée, ses pistes de cirque, son obsession de l’autoportrait distordu ; A Jeff Koons, agenouillé comme en adoration, son adulation des créatures dérisoires et éphémères qu’a produite la supposée culture américaine, celle de Walt Disney et du cabot de baudruche ; A Combas, sa fascination pour les rock stars à lunette noire, sa technique du décloisonnement proche de l’art brut, ses figures emblématiques d’une simplicité populaire qui valent pourtant tant de dollars inscrits à l’endroit de sa médaille… Pinault trône, dans son fauteuil, en roi incontesté de son domaine entre deux matières à illusion (la pipe et la pomme)…

Il est alors pertinent, confronté au marché de l’art et à ses excès, dénoncés mais jamais modérés, d’opposer ces toiles abstraites qui nous éloignent d’une imagerie trop prégnante, et qui joue sur d’autres critères de valeur et de reconnaissance que la qualité intrinsèque de chaque œuvre (On achète un Soulages ! Pas telle toile de…). Les toiles abstraites procèdent de cette mise au Net dont je parlais plus haut, les formes et couleurs s’y expriment en toute liberté mais tempérées, pour parler comme les musiciens, par la géométrie qui évite les tentations d’un lyrisme trop aléatoire, ou beaucoup trop dispersé, disons le carrément, « facile ». Il est donc tout à fait logique et pertinent que Nabli ait pensé à associer les deux. Car même la liberté a ses règles. Le peintre le sait. Il en joue.

BTN

Du 21 mai au 20 juin

CatégoriesExpos | Expos | Gard

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