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Sigean : Kees Visser, Pieter Ceizer, Ivan Cremer exposés au LAC jusqu’au 30 septembre

11 Août 2023 | Art & Expos, Aude, Expos

Cela fait de plus de trente ans que la famille Moget, père et fille, nous ont habitués à des expositions de qualité, monographiques, en duos ou trios, collectives, et qu’à côté de nouveaux visages émergents, on a pu voir chez eux ceux que l’on ne voit nulle part ou si peu ailleurs : Robert Morris, Jonathan Monk, herman de vries… La filière néerlandaise, dans la continuité de Mondrian ou des frères Van Velde, n’a guère manqué à l’appel et c’est le cas encore cette année avec l’intervention, que d’aucuns considèreront comme minimales, de Kees Visser, tout près des riches collections, métonymies le plus souvent des expositions passées : Spescha, Messagier, Debré, Erro, des dizaines d’autres…

Il s’agit de petits territoires de couleurs juxtaposées sur papier, dans des rectangles volontairement imparfaits : il suffit d’un rien pour perturber la nature des choses, de la vision, et de la perception en général. Les alignements peuvent se lire à l’horizontale ou à la verticale, de gauche à droite ou de haut en bas… Les couleurs finissent dès lors à devenir narratives, chacun peut s’y raconter sa propre histoire, celle de ces infimes altérations qui troublent la régularité impeccable de la présentation. Le cadre dans le cadre qui maintient la planéité. Ainsi l’œuvre de Kees Visser nous prouve qu’un petit rien, une légère inflexion peut tout changer de l’ordre immuable des choses. L’expérience a des retombées phénoménologiques et métaphysiques. Au demeurant, Kees Visser reste sobre dans ses alignements par séries, d’ailleurs sciemment incomplets. Il aime à pratiquer le diptyque, parfois dédoublé. Dans un triptyque de dimension plus ample, il joue sur un léger décalage d’une des deux moitiés de la surface colorée, et nous voilà à nouveau plongés dans « l’intranquillité », attachés que nous sommes à des formes rassurantes et reconnaissables comme telles. Il y a quelque chose de musical, moderne, dans cet art de pratiquer la dissonance et de le faire discrètement, au lieu de s’approprier l’accueil ou l’entrée, et donc l’attention du public. Cela ne nous étonnera point de la part de cet artiste formaliste qui a choisi l’Islande comme lieu d’exil, sans doute parce que la notion de couleur n’y a pas la même valeur qu’en Europe continentale, a fortiori méditerranéenne, où elle est galvaudée… C’est, en effet, la pureté voire la netteté (l’honnêteté) des couleurs qui semble fasciner Kees Visser, artiste épris d’absolu mais lucide sur le fait qu’un rien peut en déjouer l’accession et nous détourner du chemin. Ajoutons que l’artiste a choisi de dialoguer directement, à l’étage, avec certaines œuvres majeures de la collection, celles qui correspondent le plus à ses exigences et options ou celles de ses compatriotes : Outre Mondrian et De Vries : Judd, Calder, Hantaï, Laib, Noland, Klein, Barry, Sandback, Ruscha, Aubertin… Excusez du peu…

À l’entrée justement, les couleurs s’émancipent, avant de s’ordonner chez Visser. Pieter Ceiser fait danser son vocabulaire coloré sur des toiles de tous gabarits, dans des formats aux dimensions du corps, aux formes régulées, y compris circulaires. Il n’en faudrait pas beaucoup pour que l’on puisse y déceler des références à des objets, choses ou paysages, ou tout simplement des lettres, tous présentés ici de manière stylisée, sur un fond clair comme une écriture sur un tableau. Toute la gamme est sollicitée et l’on peut également parler d’orchestration, l’artiste évitant les fausses notes. La ligne courbe s’en donne à cœur joie même si quelques lignes et traits demeurent telle une portée où s’agiteraient les hauteurs de son. Parfois, il s’agit carrément de concepts ou de phrases sur fond de nuages et recouverts par eux.

Enfin, Ivan Cremer, assure la composante sculpturale dans l’espace de cette exposition. Il recourt à des matériaux de récupération à base de bois qui résiste et de métal qui nous survivra. Façon à lui de gérer la notion de temps. Il se déploie alors dans l’espace où il s’ancre littéralement, tel un phénix échoué et qui ressusciterait de ses cendres. Plus intimement, il expose sur socle de bois des têtes réalisées à partir de métaux récupérés. Les matériaux ressuscitent tel le phénix mais aussi, comme renaît chaque jour, la lumière si chère à Piet Moget…

Deux peintres assez différents mais réunis par un même amour de la couleur, et un sculpteur qui aime à assembler. De quoi découvrir certes mais aussi aborder la riche collection familiale autrement.

BTN

lac-narbonne.art

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