Au MIAM de Sète, il y avait Fait Maison, il y aura dorénavant Fait Machine. Car l’ingéniosité humaine n’a point de limites et l’on peut compter sur la sagacité des artistes pour en faire leur miel, telles des abeilles à partir du pollen floral.
En témoignent au demeurant les douze sculptures en impression 3D, intitulées Fractal Flowers, de Miguel Chevalier, toutes en délicatesse et fragilité dans leur meuble de protection translucide. Elles s’inspirent de la nature pour proposer de nouvelles espèces. On est pourtant dans l’artificiel le plus pur, l’artiste pouvant modeler à sa guise des spécimens floraux inédits, par des variations de code. Il les préfère immaculées, ce qui les distingue bien des naturelles. Miguel Chevalier, l’un des initiateurs de cette exposition de création digitale à partir d’outils numériques, nous accueille d’ailleurs, dès l’entrée, avec sa Fenêtre mémoire hexadécimale infinie, carré sombre que viennent illuminer des séries régulières de chiffres et lettres codés, créant une illusion de profondeur.
Comme on le pressent d’emblée, l’art peut s’accommoder de la science et aider l’artisanat à concevoir de l’inattendu. Ensuite, on pénètre un espace où le fantastique va de pair avec le fabuleux : La Mimésis, de Pit Molling, arbore une étrange végétation hybride, à base de bois et d’impression 3D soumis aux assauts de l’acide. Ensuite, c’est le paradis des petites sculptures et de la porcelaine : le concept Fait Machine a été fourni par l’équipe d’enseignants et chercheurs d’un laboratoire artistique de Limoges. On s’étonnera de la grande variété des céramiques réalisées à l’imprimante : Do it yourself, du précurseur Jonathan Keep. Raphaëlle Kerbrat parvient à rendre concrètes nos communications sans fil. Le résultat visuel est étonnant et paradoxalement savoureux, du fait de la suavité des formes accumulées. Les assemblages, plâtre et porcelaine, d’Andréa Rodriguez Víal s’avèrent d’une surprenante variété rythmique. Berdaguer et Péjus n’ont pas leur pareil pour capter, en poésie, le langage des Martiens. Michel Paysant, l’autre instigateur de ce Fait machine, matérialise des lignes de sons sur de simples vases.
Camille Reidt s’inspire des graines végétales, Noémie Pilo des haïkus, Boryana Petkova de notre respiration corporelle… Une inventivité à couper le souffle effectivement. Si le rez-de-chaussée nous plonge d’emblée dans un univers du faire numérique, le premier étage propose plutôt des environnements, des machines inventées par les artistes, tout en rendant hommage au métier à tisser et aux premières cartes perforées, ancêtres du code. Ainsi pénètre-t-on le cabinet de toilettes en fil (conducteur de cet étage), tout à claire-voie de Philipp Schaerer et Reto Steiner ; se voit-on confrontés à la machine à tricoter de Varvara & Mar, ou à un prototype de jupe noire conçue par Jeanne Vicerial, grâce à la « tricotisseuse ». On peut s’intéresser aux déformations produites sur la figure de Mickey, par Matthew Plummer Fernandez. Ou sur le passage du virtuel au réel dans l’installation généreuse, colorée, de Laureline Galliot.
L’exposition se clôt symboliquement sur un somptueux tapis suspendu, aux couleurs chatoyantes, de Faig Ahmed qui montre bien l’apport des nouvelles technologies à la tradition, mais on demeure encore dans l’objet concret et sa matérialité… Car sur un écran numérique, des algorithmes génératifs projettent la cosmogonie infinie, d’Antoine Schmitt. Que retenir de tout cela ? Que la création n’est pas forcément un acte solitaire puisqu’il peut s’avérer le fruit d’une réflexion collective. Qu’il ne faut pas avoir peur de la science ni des nouvelles technologies, lesquelles peuvent aider à renouveler les formes traditionnelles, et même ouvrir de nouvelles pistes à l’imaginaire. Enfin que laisser faire à la machine ce qui prendrait un temps non négligeable à l’individu doit être considérée comme une avancée, et pourquoi pas un signe de modestie. Après tout, nous sommes bien au Musée des arts modestes.
BTN
Plus d’informations : miam.org