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Sète : l’exposition de François Deligny visible jusqu’au 29 mai au Crac

10 Mai 2023 | Art & Expos, Expos, Hérault

L’art contemporain ne saurait manquer de s’interroger sur ses limites, ses contours et son domaine d’action. Cela revient à chercher une définition, relative ou absolue, de l’art. Cette exposition Légendes du radeau, nom emprunté à Deligny et à sa tentative non institutionnelle La Grande cordée, peut nous y aider. Après tout l’art est étroitement associé à la différence, à la marginalité, à la folie souvent, chez beaucoup d’artistes du geste primitif ou primaire… (Entre artistes et autistes, il n’y a qu’une lettre de différence).

Au commencement était un asile, dans le Nord de la France, mais c’est au sud, dans les Cévennes, que devait s’organiser cette expérience vouée à l’enfance, fédérée par François Deligny, et dont rend compte cette exposition. En apparence, elle n’a rien d’artistique ni de contemporain. Elle s’inscrit dans les années 60-70, lesquelles commencent à s’éloigner de nous, une période d’intense créativité, et elle prend plutôt l’aspect d’un imposant documentaire, ce dont témoignent l’abondance d’images et de textes fournis. Et pourtant, le radeau central de la première salle, constitué d’objets hétéroclites, manipulés jadis par les enfants, pourrait très bien passer pour une sculpture très ready-made, de même que la cagette de poupées déposée au sol. Une pierre à dé, en fait un évier cévenol, ressemble à une stèle murale ; les dessins d’Yves Guignard témoignent d’une volonté de création informelle ou brute ; les portraits de ses compagnons par Deligny n’ont rien à envier aux spécialistes du genre, et les peintures de Gisèle Durand-Ruiz trouveraient aisément leur place dans le florilège de tableaux célébrant la peinture immortelle. Il faut ajouter à cela la littérature, représentée par les livres écrits ou manuscrits par Deligny, sans doute aussi sa correspondance, et surtout sa conception du cinéma, présent dès le début de son épopée (Le moindre geste, projeté à Cannes).

On retrouve tout cela dans la grande salle, parmi une flopée de documents allant des ruines de l’asile d’Armentières, aux campements du lieu-dit « l’île du bas », à quelques encablures du complexe fermier et cévenol de Monoblet, ou au Serret, dans les parages. On est ainsi plongés dans cet univers qui a ses codes et ses dénominations. Les déplacements des enfants sont baptisés « lignes d’erre », les accompagnants des « présences proches », il y est question « d’aires de séjour », de « camérer » plutôt que de filmer. On y réfléchit sur le langage et sur les actions en apparence inutiles, la mémoire d’avant la mémoire. La seconde salle consigne, sous vitrines serpentines, les cartes et calques résumant les chorégraphies des enfants sur leur territoire, tandis qu’est projeté Ce gamin-là, le fameux film produit par Truffaut (cf. L’enfant sauvage), et mettant en exergue la figure de Janmari, déjà aperçu un peu plus tôt, dans les tableaux et images. La troisième dissémine des moniteurs vidéo dans l’espace, et des réflexions de Deligny sur les murs. Les films sont faits de chutes ou de projets inaboutis. Enfin, la dernière salle est de projection : quatre films gravitant autour de Deligny. On peut méditer et s’immerger dans cet univers singulier, cette époque ancienne et cet espace d’expériences du Radeau qui aura tant vibré, durant quelques décennies, au rythme des utopies, abandonnées de nos jours… On est loin du radeau des Copains d’abord, mais on est à Sète, lieu d’art et d’eau.

L’artiste Florian Fouché s’inscrit dans la continuité du Radeau, de son réseau et de sa Tentative. Les actions proches sont d’ailleurs dérivées d’un concept créé par Deligny : les présences accompagnatrices. Ainsi, sur la mezzanine, peut-on voir ses vidéos où il performe, expérimente le matériel des soignants, se met à nu, devant son père handicapé et hospitalisé. On trouve également dans cette exposition des objets-reliques, parmi ceux utilisés dans ses films, et avec lesquels il se met résolument dans des situations corporelles impossibles, dans la lignée de la mémoire aberrante identifiée par Deligny. Sa « vaisssssellllle » par exemple, est en référence directe avec les images de Janmari, répétant incessamment le même geste (dont les vaguelettes dessinées en guise d’écriture). Enfin, l’exposition comporte des dessins, que l’on suppose préalables, à l’action proprement dite.

BTN

Plus d’infomrations : crac.laregion.fr

CatégoriesArt & Expos | Expos | Hérault

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