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Sète : l’Anarchitecture de Gianni Pettena investit les salles du Crac jusqu’au 1er septembre

23 Fév 2024 | Expos, Expos, Hérault

Se frayer un chemin singulier aux ciseaux parmi des bandes de papier (Paper) que l’on nous invite à traverser : voilà qui définit assez bien à la fois la pensée et l’humour de Gianni Pettena, « anarchitecte » italien, exposé jusqu’au 1ᵉʳ septembre au Crac à Sète. D’abord parce qu’une telle œuvre ne peut que se révéler éphémère, contrairement à notre conception architecturale du pérenne et du statique, ensuite parce qu’elle sollicite la participation corporelle du visiteur, tiré de sa passivité consumériste, enfin parce qu’elle échappe à la tyrannie de l’équilibre orthonormé des constructions européennes et au-delà. Cette pièce majeure de sa production sera re-présentée dans l’une des salles du Crac, tel un pénétrable. On en retrouvera des échos sur la façade où les bandes de papier seront soumises aux aléas des caprices d’Eole.

Né à Bolzano, tout près de la frontière autrichienne, Gianni Pettena a fait ses premières armes dans les Dolomites ou le bas Tyrol, prodigieuses architectures naturelles, bien plus impressionnantes et originales que toutes celles que l’homme a pu et su ériger. Une photo en témoigne, baptisée à juste titre La mia scuola

Cette exposition du Crac, lieu à la volumétrie généreuse, aura l’intérêt de nous familiariser avec cette œuvre qui s’étale sur plus de huit décennies, déroge aux règles du genre par son recours à des matériaux inattendus et par le fait de se définir comme de l’architecture sans architecture, lequel relèverait d’un nomadisme critique et militant. L’installation temporaire, la performance, la photo ou la vidéo et les dessins sont ses principaux moyens d’expression. Parmi ces derniers, mais aussi par le biais de la vidéo, l’action des vagues qui effacent sur la plage les prétentions humaines à la construction architecturale et lui opposent la force souveraine et inexorable de la nature. Un éternel recommencement. Celle-ci est récurrente dans l’œuvre de Pettena (qui la combine à du grillage pour ériger des tours transitoires au sein d’un espace classique, les attrape-herbes – Tumbleweed catcher). Au Crac, la grande salle est tapissée de raphia.

Ailleurs, les murs donnent l’impression de respirer, d’être en vie. Les objets d’intérieur tendent à s’émanciper. Les chaises, devenues (trans) portables, défilent à l’extérieur (le corps participatif est une nouvelle fois convoqué) ou se retrouvent dans des situations contraires à leur fonction usuelle. Au Crac, le visiteur pourra les essayer, les porter, les transporter. Un vieux manteau raidi les supplante et sert même de fauteuil, Shadow, ombre du corps. Le même style de manteau qu’il faut revêtir à l’entrée en se frottant contre les parois afin de produire du son. Chez Pettena, les lampes ou les porte-objets se végétalisent. Un canapé avale en son centre les convives. La table se fait sablier. L’extérieur des bâtiments n’est pas épargné, l’artiste jouant avec le vent, ou l’eau, dont la ville de Sète ne manque justement pas. Dans l’une des salles, il sollicite la terre pour construire des murs humains, mot qui rime avec mains.  Il pratique également l’anamorphose, ainsi qu’on peut le voir dès la première salle, sur le modèle des temples antiques, avec colonnes et fronton, mais en privilégiant le bois.  « L’anartiste » a débuté dans les années 60 au sein des courants d’architectures radicales et utopistes qui sévissaient alors. L’entrée du Crac s’en souviendra puisqu’un tunnel sonore, conçu et dessiné à cette époque, sera pour la première fois sorti des cartons et réalisé. Il requiert la participation du corps, que l’on retrouve dans une sculpture en creux baptisée Présence/Absence et inspirée par les moulages de Pompéi, et la mort d’un être cher. Ainsi l’œuvre de Gianni Pettena brouille-t-elle les cartes, frontières et codes. L’architexture aussi est une chose mentale… Légère comme la vie nomade.

BTN

Plus d’informations : crac.laregion.fr

CatégoriesExpos | Expos | Hérault

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