Sélectionner une page

« Selphish » aux Mécènes du Sud à Montpellier

12 Mar 2020 | Expos, Expos

Voici le type même d’expo dont nous avons tous rêvé et que Mécènes du Sud réalise pour nous. Prendre un illustre inconnu et en faire, le temps d’une action performative, un sujet glorieux, selon la prédiction d’Andy Warhol.

Durant douze semaines, un dispositif sera ainsi mis en place, à base d’objets, d’impressions, de projections ou d’écrans entre autres, de sorte que douze participants connaîtront leur heure de gloriole. Cela passe par leur accord voire leur candidature, afin que les artistes sollicités, quatre au total, puissent s’immiscer dans leur données internautiques et les infos fournies aux réseaux sociaux. Il s’agira donc d’une installation qui se modifiera en fonction de chacun des profils sélectionnés et qui permettra d’aboutir à un portrait « expositionnel », dans la mesure où effectivement chacun des candidats s’expose à l’exposition (de ses données perso et donc d’une certaine image de lui-même).

Pour ce Selphish (en gros : Egoïsme harponné), les quatre artistes ayant fait leur preuve dans l’exploration de l’Internet et du numérique ont répondu à l’invitation des deux curateurs – qu’il s’agisse d’en montrer les dangers, les abus de pouvoir ou les possibilités fabuleuses. Sans préjuger de ce que chaque personne candidate leur inspirera, on peut d’ores et déjà se faire une idée du style d’œuvres qui pourraient être proposées.

Le Britannique Martin John Callanan interroge notre rapport aux systèmes qui régissent notre vie quotidienne. Les tableaux lumineux de départ d’avions dans les aéroports, qu’il réussit à capter en direct ; le passage temporaire des images au-dessus de notre planète, laquelle est présentée au sol, blanchâtre, en impression 3D ; les pièces de monnaie rendues caduques par le paiement par cartes, et qu’il agrandit démesurément, après avoir relevé leur nuances tactiles au microscope ; les statistiques de demandes sur Google … Tous nos besoins sont passés au crible.

La Lorraine Alix Desaubliaux s’introduit plutôt dans l’univers de jeux vidéo et des narrations virtuelles. Il lui serait donc facile de transformer chaque participant en un héros correspondant à ses fantasmes ou phobies les plus intimes.

Lauren Mac Carthy s’intéresse, quant à elle, aux relations interpersonnelles par le biais de la technologie contemporaine. Une table est conçue pour analyser le degré de qualité des conversations. Ou encore : comment une machine oriente un internaute vers les émotions qu’il souhaite ressentir. Ou peut-on créer des appareils permettant à l’artiste de devenir en quelque sorte un assistant particulier.

Nos besoins sont ainsi scrutés, prédéterminés, orientés, manipulés à distance …

Enfin le duo anglo-helvétique ! Mediengruppe Bitnik déplace les dispositifs techniques de leur cadre habituel. Une caméra est cachée dans un colis postal de façon à en enregistrer le voyage. On imagine combien ce style de dispositif pourrait être utilisé contre les libertés individuelles. Les artistes ont également conçu un robot acheteur sur site. Ou suivi le quotidien d’un employé de banque. Toutes ces innovations donnent le vertige. On a l’impression que les réseaux sociaux sont devenus un outil de surveillance, de quantification de nos gestes les plus courants (acheter ou vendre), attentifs à nos nouveaux besoins. Que nous sommes passés à une civilisation où l’auto-centrage sur chacun, la focalisation sur nous- mêmes, est devenu monnaie courante. Et où finalement nous ne sommes pas, dans le réel, l’image que nous présentions de nous, en général la plus flatteuse possible pour nos égos exacerbés. Nous sommes dans le culte de l’instant.

Cette expo laisse du temps pour mieux pénétrer l’identité d’une personne (qui ne soit plus justement personne !). Une attention soutenue à l’échelle d’une semaine et d’une vision créative supplante le caractère superficiel des expositions particulières via les réseaux sociaux. Un appel à candidature est évidemment lancé. Décidément l’année 2020 démarre sur une problématique bien actuelle, alors que les, réseaux sociaux ont envahi notre vie quotidienne. Cet espace performatif, cette exposition générative, imaginée par Thierry Fournier et Pau Waelder devrait montrer combien l’art peut en livrer la critique, malgré la fascination pour l’inventivité humaine. A double face, à l’instar de toutes choses.

BTN

Du 12 mars au 7 juin – 13, rue des Balances à Montpellier.

Plus d’informations : tél. 06 19 03 22 21. mecenesdusud.fr 

CatégoriesExpos | Expos

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi