Un démocrate
« L’art peut et doit intervenir dans l’histoire ; il nous faut désormais un art de l’explication et non plus seulement un art de l’expression. Chaque société doit inventer l’art qui l’accouchera au mieux de sa propre délivrance. » Ce sont les mots de Roland Barthes à propos du théâtre de Brecht, et l’on peut dire qu’ils conviennent admirablement au spectacle « Un démocrate » présenté dans le off avignonnais par la compagnie Idiomécanic Théâtre. Un théâtre qui sait en même temps instruire et divertir par le biais d’une distanciation qui permet au spectateur de garder son esprit critique. Clausewitz disait que la diplomatie était la continuation de la guerre par d’autres moyens. « Un démocrate » nous entretient d’une autre guerre : celle que les spin doctors et autres conseillers en communication et marketing politique de tout poil mènent pour s’emparer des esprits, les conditionner à recevoir un discours bien formaté qui fait passer le citoyen au rang de consommateur. Big Data a depuis longtemps remplacé Big Brother.
Edward Bernays, citoyen américain né à Vienne en 1891, neveu de Freud, mort à Cambridge à plus de cent ans, est l’un des pionniers de la manipulation de masse. « La vérité est ce qu’on croit qui est vrai », disait-il. D’abord au service de Lucky Strike, le cigarettier américain, il a contribué au putsch qui a renversé le gouvernement en 1954 au Guatemala. Bernays était un as de ce qu’il appelait « la fabrique du consentement » résumée dans son principal ouvrage « Propaganda » que les nazis ont lu et appliqué méthodiquement pour mettre en œuvre leur irrésistible ascension. Une écriture brillante et une mise en scène adoptant les principes du cabaret brechtien servie par quatre comédiens.nes excellents (Anne Cantineau, Mathieu Desfemmes, Julie Timmerman et Jean-Baptiste Verquin) font de « Un démocrate » l’une des pièces les plus remarquables du off.
Le Chapeau d’Ebène à 18h50 jusqu’au 30 juillet. 04 90 82 21 22
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