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Sélection Avignon Off : Chronique 3

18 Juil 2023 | Festivals, Spectacles vivants, Théâtre, Vaucluse

Geli

C’est un spectre qui nous parle. Sur son visage, cerné par le halo d’un projecteur, la pale mélancolie de l’ange mort. Geli, de son vrai nom Angela Maria Raubal, était la nièce adorée d’Hitler, on l’a retrouvée morte avec une balle dans la poitrine en septembre 1931 à Munich dans le bureau de son oncle chez qui elle vivait. Elle avait 23 ans. Le mystère de cette mort demeure entier, les historiens n’ont jamais pu l’éclaircir. On a retrouvé un pistolet appartenant à son oncle posé aux côtés de la jeune femme, l’enquête bouclée en quelques heures a conclu au suicide malgré toutes les zones d’ombre entourant cette mort. Un journaliste allemand, Fritz Gerlich, a mené une enquête qui ne sera jamais publiée et se volatilisera à sa mort dans un camp de concentration en 1934. En 2020, la littérature s’en empare sous la plume de l’écrivain italien Fabiano Massimi qui publie L’ange de Munich où il imagine ce qui a pu se passer ce jour-là au numéro 16 de la Prinzregentenplatz. En se basant sur de nombreux documents d’archives, il explore l’histoire de ce personnage si important dans la vie du dictateur et leurs relations intimes. C’est au tour du théâtre de lui redonner vie et parole avec ce texte de Diastème qui met en scène l’histoire d’un auteur contemporain se rendant à Munich pour écrire une pièce sur Geli. Il la rencontre, puisque le théâtre peut tout, et tente de résoudre avec elle le mystère de sa mort. « J’ai imaginé Geli comme un personnage maudit, théâtral, un fantôme errant à la recherche de la vérité. Incapable de reposer en paix » dit l’auteur et metteur en scène. Dans sa pièce, les deux protagonistes sont des âmes en peine, l’auteur vient d’être quitté par sa femme, perte dont il a du mal à se remettre, tandis que Geli entend faire connaître sa vérité : « Je ne suis pas mon oncle, je ne suis pas le IIIème Reich, je ne suis pas responsable des millions de morts. » Goering, bras droit du Führer ira jusqu’à dire : « A la mort de Geli, Hitler a perdu la dernière goutte d’humanité qui lui restait. »

Aliénor de la Gorce et Frédéric Andrau incarnent ces deux personnages, leur jeu est habité, il rend tout crédible, jusqu’à leur rapprochement troublant et la possibilité du happy end final esquissé qui s’offre aux deux protagonistes comme une rédemption.

7 au 29 juillet à 12h au Chêne Noir

Luis Armengol

 

 #Génération(s)

On l’appelle communément l’âge ingrat, une expression consacrée pour désigner l’adolescence et les phénomènes qui l’accompagnent : puberté, découverte de la sexualité, révolte contre les parents, culte de l’amitié, complexes physiques… Bref, tous les clichés qu’on associe généralement à cet âge pourtant bien plus complexe qu’il ne paraît. Voyage au cœur de l’adolescence donc avec #Génération(s) de la Cie montpelliéraine Le Cri Dévot, mis en scène par Camille Daloz et Alexandre Cafarelli, sélectionné dans le cadre d’un appel à projet européen sur les processus participatifs dans le spectacle vivant. Histoire d’un cosmonaute propulsé dans un voyage spatio-temporel qui parcourt les mondes intérieurs de la génération Z née entre 1997 et 2010 et rompue aux communications numériques. Ce travail est l’aboutissement de deux ans de créations et de rencontres avec des jeunes à travers l’Europe pour recueillir leur parole. Une parole sensible à travers laquelle s’expriment leurs doutes et leurs rêves, leur mal être et leurs joies, avec leurs mots pauvres mais vrais et leurs pauvres maux. On y retrouve beaucoup de clichés énoncés précédemment mais le langage intime de l’adolescence est bel et bien celui-là et il s’exprime directement, sans sublimation factice, dans ce qui se revendique une « fiction documentée basée sur des prises de paroles de jeunes ». La belle scénographie de #Génération(s), une cage aux montants métalliques et lumineux qui n’est pas sans évoquer celle de Faraday protégeant des dangers extérieurs (le monde adulte ?), est le décor unique où évolue un comédien qui se dépouille peu à peu de son costume de cosmonaute, il coupe en quelque sorte le cordon pour nous livrer ses réflexions à nu. Si elles interrogent le monde adolescent, elles ne manquent pas de nous questionner sur nos conditions d’adultes et la manière d’accompagner nos enfants, de les aider à se construire. Les paysages sonores et l’esthétique pop du spectacle rendent ce voyage au centre de l’adolescence des plus agréables.

7 au 24 juillet à la Manufacture

L.A.

 

Et aussi…

 

Burlesk

Elles sont trois sur scène, débordantes d’énergie et de provocs coquines, maelstrom d’humour et de charme pour un spectacle de cabaret aussi drôlement sensuel que sensuellement drôle. Recette gagnante qui explique le succès de Burlesk dans le Off depuis trois ans. Les comédiennes n’ont pas vraiment le profil des danseuses du Crazy Horse ou du Lido mais elles savent faire bouger leur QI d’une manière des plus érotiques qui fait monter la température dans la salle, enchaînant les numéros d’effeuillage burlesque, une tradition bien française du cabaret aussi honorablement millésimée qu’un de nos meilleurs champagnes. Et ça pétille du début à la fin, dans un tourbillon de tableaux qui associent parfois le public – on va chercher Marcel parmi les spectateurs – ce qui donne toute sa dimension populaire à ce genre de divertissement. Car on s’amuse, et les mercis des spectateurs à la fin, aussi nombreux que les bravos, en disent long sur le bien que peut faire un tel spectacle sans prétention autre que de divertir le quidam. Même si, l’air de ne pas y toucher, Burlesk est aussi une formidable leçon d’acceptation de soi et de tolérance.

7 au 29 juillet à 20h45 au Théâtre des trois soleils.

L.A.

 

Le Prix d’un Goncourt

En 1972, l’écrivain nîmois Jean Carrière décrocha le Prix Goncourt pour son livre L’Epervier de Maheux. Une récompense qui aurait dû lui valoir des lendemains glorieux mais qui fut au contraire suivie d’une série de catastrophes signant sa chute comme auteur. Il revient sur cet épisode de sa vie dans Le prix d’un Goncourt où l’écrivain raconte avec humour et une belle autodérision l’histoire d’un moment glorieux de sa vie qui allait se transformer en malédiction.

7 au 28 juillet à 21h15 Présence Pasteur.

Camus…Sartre, miroir d’enfances

La querelle entre Camus et Sartre défraya la chronique en son temps et on connaît les différends idéologiques qui les opposèrent. Mais ce spectacle aborde la dualité des deux philosophes sous un autre angle : celui de leurs enfances respectives, près du jardin du Luxembourg pour l’un, dans un quartier pauvre d’Alger pour l’autre. La pièce aborde cet aspect de leur biographie en mêlant les récits qu’ils en ont fait dans leurs livres Les mots et Le premier homme.

7 au 25 juillet à 20h40 au Théâtre Transversal

CatégoriesFestivals | Spectacles vivants | Théâtre | Vaucluse

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