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Nîmes : première édition pour la Contemporaine de Nîmes, jusqu’au 23 juin

12 Avr 2024 | Événements artistiques, Expos, Gard

En initiant cette triennale programmé jusqu’au 23 juin, dévolue à une Nouvelle Jeunesse comme à une jeunesse nouvelle, la ville romaine de Nîmes a mis les petits plats dans les grands. Tous les lieux d’art sont, à plus ou moins grande échelle, mobilisés, (des nombreux musées au CACN, du Spot à Negpos qui interroge sexe et sorcellerie, des Beaux-Arts à Pamela et son incroyable proposition Sérum Anti-âge, Étant donné…), le parcours divisé en cinq secteurs clés (Gare, Arènes, Chapitre, Carré d’Art, Jardins), le public, les Nîmois et notamment les jeunes se voyant impliqués dans le projet.

L’idée de la transmission est suggérée d’une part grâce à la participation des scolaires de l’autre, à travers la composition, pour les expositions, de binômes, La Fleur et la Force, le plus jeune et son modèle, l’émergent et son mentor, parfois disparu. Les commissaires en proposent douze parmi lesquels on voit apparaître les noms illustres de Soulages (et ses Outrenoirs, associé à Jeanne Vicerial et ses robes noires de modiste plasticienne, dans une scénographie soignée au Musée du vieux Nîmes) ; l’iconique algérienne Baya (associée à Neïla Czermak Ichti et ses acryliques sur toile, ses boxeuses ou catcheuses, au musée des Beaux-Arts) ; ou encore le Japonais Tadashi Kawamata (cf. Hélénis), génial constructeur in situ, joint au non moins inventif Franco-afghan Feda Wardak, pour un aqueduc, style Pont du Gard, plus vrai que nature et son système hydraulique en bois sur plus de cent mètres, aux Jardins de la Fontaine.

L’une des rares femmes ayant représenté la France à Venise, manifestation d’une autre ampleur, est associée à une magicienne du métal, Caroline Mesquita, pour un manège interactif et de drôles d’oiseaux, Place du Chapitre. Le panel est international. Les expositions se déploient en centre-ville (Won Jy à la placette), mais aussi ailleurs (kermesse pilotée par Mohamed Bourouissa au CACN par exemple, où la revue Figure Figure nous fait traverser le Channel), avec pour vecteur l’idée de transmission ou d’héritage, d’où son caractère intergénérationnel. Si Nîmes a vécu naguère une belle histoire d’amour avec l’art contemporain, ce dernier pourrait s’avérer plus proche des gens, populaire et généreux, ce qui ne signifie pas qu’il s’agit de renoncer à l’exigence. À tout seigneur tout honneur, Carré d’Art se taille la part du lion en divisant, par deux, son dernier niveau. Les photographes Alassan Diawara (Belge originaire d’Afrique) et son ainée, la Franco-algérienne Zineb Sedira, réalisent des reportages sur les communautés peu représentées, et donc exclues, du domaine artistique. Diawara s’est plongé dans certaines familles nîmoises et restitue le charme et la beauté de certains moments de grâce.

La seconde met en exergue les relations de cette transmission qui sert de fil conducteur à la Contemporaine. On découvre aussi un ancien nîmois, Hugo Laporte, et l’Estonienne Katja Novitskova, d’un lustre à peine plus âgé. Une installation graduelle nous fait passer de la destruction à la renaissance, avec en particulier huit résines suspendues où flottent des images de molécules anthropomorphes, tandis que des tirages sonores présentent des portraits de héros et de paysages pixelisés. Comme en voie de reconstitution.

La vraie réussite de cette triennale, d’autant qu’elle se termine par une proposition de jeu d’enfants. À la Bibliothèque, Prune Phi, s’appuyant sur des rites asiatiques, nous incite à envoyer un message à nos chers disparus, tandis que SMITH, plus jeune qu’elle, met entre parenthèses, au néon, les lumières de ses migraines. La Triennale n’échappe point, en effet, aux problèmes actuels auxquels sont sensibles les artistes : urgence écologique, reconnaissance des différences et marges, antiracisme et colonialisme, féminisme et critique des abus de pouvoir, de la mondialisation, y compris culturelle… Ainsi les films de Rayane Mcirdi, de manière intimiste, ou de Virgil Vernier, de façon plus inquiétante, explorent-ils le quotidien ou les travers des banlieues et quartiers périphériques (Sémaphore). À la Chapelle des Jésuites, June Balthazard met en images la résistance d’enfants protégeant en vain la forêt de l’hostilité des adultes tandis que Suzanne Husky inclut une pelleteuse dans une tapisserie médiévale.

Descendant vers la gare, on passe sous les incroyables réalisations textiles de Delphine Dénéréaz rehaussées de mots, fruits d’un patient recyclage de tissus usés (Feuchères)… Le corps féminin, et les feux d’artifice, hantent l’œuvre de Judy Chicago qui a laissé des traces sur la Franco-malienne Aïda Bruyère (Musée des culture taurines).

Enfin, vers le musée de la Romanité, trois vidéos de Valentin Noujaïm sont confrontées aux titans masqués du Libanais Ali Cherri pour un retour dramatique à l’histoire nîmoise et à l’anarchiste couronné, Héliogabale. Un marathon pédestre nous attend, pour cette première édition à l’idée de base pertinente pleine de promesses, mais dont on regrettera l’exiguïté des lieux investis et finalement le peu de choses à voir. On reste un peu sur sa faim. Je parle de quantité, la qualité n’est pas en cause.  BTN

NB : Carré d’Art présente, sur son deuxième niveau, d’une part la Donation Lena Vandrey, artiste d’origine allemande ayant choisi les Cévennes pour y établir son « Paradis », titre de ses toiles intimistes, tout en nudité végétale. Du paradis au thème des anges, il n’y a qu’un pas que cette féministe convaincue a allégrement franchi. L’artiste, aujourd’hui disparue, s’est illustrée dans ses découpages (fruits, légumes, cœurs, humains) de carton, sur châssis très aéré, dans un style qui peut rappeler l’enfance ou un certain art brut, notamment dans ses Boîtes de Pandore. D’autre part, le nouvel accrochage de la collection, qui nous replonge dans les œuvres des artistes ayant exposé récemment à Carré d’Art.

L’Égyptienne Anna Boghiguian et sa voile de felouque du Nil, cousue, associée à du jeans denim (de Nîmes), une série d’affiches d’artistes célèbres commandités par Wolfgang Tillmans, les sept panneaux qui rendent visibles les verdicts de détecteurs de mensonge, par le Jordanien Lawrence Abu Hamdan, une installation vidéo de Martine Syms dénonçant les brutalités policières en Amérique, une petite pièce murale en laiton et argent, de Tarik Kiswanson, ou des broderies narratives de la Libanaise Mounira Al Solh. Un incroyable film de l’Allemand Clemens von Wedemeyer reconstituant, sous forme d’animation numérique, des manifestations décisives dans l’histoire de la RDA, une surprenante installation en céramique sur étagères en métal de Jumana Manna, à base de silos et de mues, une série d’arbres photographiés en Afrique du Sud par Uriel Orlow, des portraits féminins sur papier de Sylvain Fraysse et plusieurs œuvres de Guillaume Leblon qui recoure au sable, au plâtre aux matériaux organiques et même… à l’animal. D’autres œuvres encore de noms célèbres (Bustamante, Muniz, Murphy…), ou à découvrir. BTN

Pour plus d’informations : contemporainedenimes.com

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