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Montpellier : Germaine Richier et Valentine Schlegel, duo féminin cet été au musée Fabre

11 Août 2023 | Art & Expos, Hérault, Musées

Deux femmes sont à l’honneur cet été, et jusqu’au 5 novembre, au musée Fabre, à Montpellier : Germaine Richier et Valentine Schlegel. Pour la première, rendez-vous dans les salles d’exposition temporaire du musée pour découvrir la grande rétrospective imaginée avec le Centre Pompidou. La seconde est à découvrir à quelques mètres de là, à l’Hôtel Sabatier d’Espeyran. 

On attendait beaucoup de cette rétrospective d’une artiste en grande partie montpelliéraine et le résultat dépasse nos attentes. Sa créativité exceptionnelle est, en effet, mise en valeur sur un parcours de deux étages qui démarre par les bustes, L’escrimeuse sans masque (le détail a son importance) et le fameux éphèbe Loretto, encore assez classiques, pour s’achever sur les expérimentations et couleurs de la dernière période, en passant par des sections qui prêtent au rêve telles qu’Animisme, Hybridations ou Mythes et Sacré, montrant combien cette œuvre entre en écho avec des préoccupations présentes. En fait, où que l’on se tourne, on a l’impression de n’avoir affaire qu’à des chefs-d’œuvre : les deux puissantes allégories L’Orage et L’Ouragane pour commencer, en bronze patiné, avec cet art du modelé râpeux, accidenté, caractéristique de l’artiste qui ne visait guère un idéal de pureté idéaliste, mais un rapport brut avec la matière ; La Spirale, interminable, qui pourrait rejoindre plus tard l’espace public de l’Esplanade, La Sauterelle, humaine si humaine, Le cheval à six têtes et son mystère sacré… La salle des Hybridations en particulier constitue sans doute l’acmé de cette production qui s’inspire de la faune régionale, ses sauterelles et son Crapaud, sa Cigale et sa célèbre Chauve-souris, toutes traitées de manière anthropomorphe, pas si éloignée d’un certain surréalisme (l’ami Max Ernst), l’indépendance et le désir d’exploration singulière en plus. On est « bluffés » en particulier par les réalisations incluant des fils métalliques tels que le fameux Griffu, sans doute sa vision allégorique de l’homme de son siècle ou l’oblique Araignée, l’industrieuse Fourmi. Certes, ils relient les membres de personnages, constituent comme une entrave au mouvement, si essentiel dans l’œuvre de Richier mais témoignent surtout d’une ouverture sur une maîtrise de l’espace tout à fait singulière, et ainsi remarquable. De même, les expériences de la couleur, vers la fin de sa vie, traduisent une volonté d’introduire de la joie colorée ou grâce au verre, dans le caractère tragique prêté à la sculpture – et dont ne témoigne que trop, à quelques pas le longiligne et controversé Christ d’Assy… Ou la tête de taureau, au pied du toréador, dans un pays où la tauromachie, nous est si proche. Tout cela sans réalisme, jambes fines, ventre rond, tête de trident. De la joie aussi dans une époque qui en manque… On s’étonnera aussi de ses travaux réalisés avec les maîtres de l’abstraction, Zao Wou-Ki ou Vieira da Silva : l’artiste ne reculait devant aucune audace, et savait mettre son ego en sourdine pour s’essayer à des expériences duelles devenues aujourd’hui courantes. On ne ressort pas seulement enchanté, mais sonné, voire soufflé par l’inspiration de L’Ouragane, dominé à l’instar de l’un des deux sujets de La Montagne, échec et mat, pour faire référence à son incroyable Echiquier de plâtre, à cinq éléments. Encore n’ai-je point évoqué les hybridations de matière (bois flotté, coquillages, branchages…), les peintures ou gravures, et toutes les petites choses que l’on découvre au fil de l’exposition (tels les petits Guerriers), qu’il s’agisse de la section L’atelier ou des salles de projection et documentation en fin de parcours…

Juste à côté, l’Hôtel Cabrières Sabatier d’Espeyran, exhibe les riches intérieurs de la grande bourgeoisie du siècle industriel, qui ne lésinait ni sur la pléthore d’objets décoratifs ni sur son goût affirmé pour l’opulence. Valentine Schlegel, que l’on avait pu découvrir au Crac de Sète, et qui nous a quittés depuis, est représentée par ses céramiques, aux élancées animales ou végétales, qu’elle a contribué à célébrer bien avant qu’elles ne redeviennent à la mode. Une pièce du second étage est consacrée à des maquettes de cheminée dont elle réalise des sculptures abstraites, épurées et qui se refusent à l’autorité des angles droits. On retrouve aussi sa célèbre collection de couteaux, qu’elle s’approprie et qui s’exposent tels des ready-made ou des symboles virils, sciemment revendiqués. La confrontation est surprenante puisque l’artiste misait avant tout sur la légèreté, la sobriété, l’art de vivre là où les décors bourgeois cherchent avant tout le clinquant et le tape à l’œil, sans parler de la surcharge (les pompons dans l’escalier). Valentine Schlegel avait conscience de la fragilité des choses, ainsi que le prouvent ses bas-reliefs faits d’empreintes de sable exposées, comme un blason contradictoire, dès le seuil de l’appartement. Agnès Varda a souvent photographié son amie au travail, laquelle s’est impliquée également dans les décors de théâtre de son beau-frère Jean Vilar. Photos et décors font partie du parcours, visible jusqu’au 17 septembre.

BTN

museefabre.fr

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