Exit l’Hôtel des Collections. Il devient simplement le MO.CO. et s’ouvre non plus aux riches collectionneurs des métropoles internationales mais aux Musées en exil, aux collections « déracinées », pour cause de guerre, d’occupation ou de conflits internes – et Dieu sait si la question se pose actuellement avec une urgence inattendue.
Trois continents sont ainsi sollicités : l’Amérique avec le musée de la Résistance fondé par Allende mais étouffé par Pinochet et son interminable dictature ; l’Asie avec le futur musée d’art moderne et contemporain de Palestine, pour l’instant à l’Institut du monde arabe de Paris. Enfin notre vieille Europe qui est loin d’en avoir fini avec la guerre et sera représentée par Ars Aevi, le musée d’art contemporain de Sarajevo. Pour chacun de ses lieux, des artistes ont offert des œuvres par solidarité, conviction ou témoignage. Avec en fil conducteur sous-jacent : le rôle des biens culturels en temps de conflit et le maintien de l’intérêt pour les institutions muséales, perpétrés par quelques-uns grâce à qui non seulement le pire est évité mais la renaissance se profile.
Les noms avancés sont impressionnants. Au Chili, ils tiennent compte des notoriétés sud-américaines : Lam, Matta, Cruz-Diez, Soto, Julio Le Parc, surréalisme et op’art, mouvements les plus en vue à l’époque de la tragédie chilienne, laquelle remonte à cinq décennies mais demeure à jamais dans les mémoires (comme Prague, Budapest…). Ou des grands noms de l’art international : Vasarely, ou encore Calder. Et puis quelques autres, tous pays confondus, qu’il nous appartient de re-découvrir même si certains ne sont pas des inconnus (Kijno a exposé à Montpellier, Rabascall à Pompidou, le Vénézuélien César Andrade…). Avec une sélection des œuvres engagées qui ont été produites dans les années 70 : On n’arrête pas l’idée du Français Robert Forgas, Resistancia de l’Espagnol Alejandro Marcos, ou le portrait caricatural de Pinochet par la Suédoise Lou Laurin-Lam. Preuve que la dictature a choqué le monde entier. La présence d’Ernest Pignon rappelle le soutien de la gauche au peuple chilien opprimé, tel qu’on se le représentait, vu de l’Occident. Les Français sont d’ailleurs très présents, hommes comme femmes, « de souche » ou immigrés : Ghislaine Aarse-Prins, Claire Bellegarde, Philippe Carré, Jacqueline Lamba, Leopoldo Torres-Aguero, Irene Dominguez.
Avec Ars Aevi, on fait un sacré bond dans le temps. Le conflit fratricide n’est pas si ancien. Évidemment, on trouvera des Yougoslaves, stars comme Abramovic, moins connus comme Anur, Braco Dimitrijevic, Jusuf Hadzifejzovic, Nebojsa Seric-Shoba et leur « camarade » russe Dmitri Prigov. Sophie Calle et Boltanski, comme toujours, représentent honorablement la France, accompagnés d’Opalka (franco-italien). On a ensuite la fine fleur de l’art international de ces dernières décennies, le Britannique Tony Cragg (sculptures à l’entrée de Montpellier), la Libanaise Mona Hatoum, l’Américain Bill Viola, les Italiens Pistoletto (peinture Trans avant-garde) et Kounellis (Arte povera). Plus quelques Scandinaves. La liste n’est point exhaustive…
Enfin, le cas épineux de la cause palestinienne. Elle couvre plusieurs générations d’artistes dont énormément de Français (Belges, Suisses, issus de l’émigration…) : les photographes Doisneau et Cartier Bresson, la proximité de Supports-Surfaces d’un Buraglio, la figuration narrative d’un Cueco ou d’un Velickovic, et urbaine d’un Ernest-Pignon Ernest, un franc-tireur tel que Jean Le Gac, les figures plutôt libres d’Alberola, la photographie contemporaine d’une Valérie Jouve, Medhi Bahmed et son rêve aux couleurs du monde en vidéo. Et encore Patrick Loste que l’on a vu souvent exposé du côté de chez nous et quelques autres. On note la présence d’artistes d’origine palestinienne, plutôt ou encore jeunes (May Murad est né en 84 ; Mohammed Joha en 78, Taysir Batniji en 66) et celle du monde arabe en général (le Syrien Fadi Yazigi, le Marocain Jon Dray, l’Algérien Rachid Koraichi) mais aussi des Argentins tels qu’Antonio Segui, qui vient de décéder (encore un que l’on a beaucoup vu en galerie, à Montpellier).
Trois musées en exil qui ouvriront temporairement afin de se donner à voir. C’est-à-dire, à exister, comme un livre que l’on sort de l’exil en l’ouvrant pour le lire.
BTN
Plus d’informations : moco.art