Les arts du tissage sont revenus au premier plan. À Lodève, outre qu’ils réchaufferont les murs durant les journées d’hiver, la présence des arts du tissage est d’autant mieux justifiée que s’y trouve l’annexe de la Manufacture de tapis de la Savonnerie, rattachée aux Gobelins. Ne restait qu’à trouver un thème fédérateur et c’est ainsi que l’on sera convié à Tisser l’imaginaire, à partir de multiples tapisseries et d’un tapis réalisé sur place.
Commençons par ce dernier puisqu’il s’agit d’une œuvre abstraite, contemporaine, de Nathalie Junod-Ponsard, et qui fait passer graduellement d’une teinte indigo à un violet pourpre, dans une impression de pureté, de volonté d’échapper à la suprématie des images et d’ouvrir l’esprit à d’autres sensations, liées à la lumière, à vocation spirituelle. Les œuvres choisies, empruntées au Mobilier National, sont toutes de grand format, ce qui permet de garder le motif à distance et de laisser aller le regard sur la multiplicité des détails qui nous sont proposés.
Les contes et surtout les mythes sont des sujets inépuisables d’histoires à partir desquelles chacun livre sa version, montrant ainsi combien la généreuse singularité de son imaginaire. Le regardeur peut alors voyager, et ainsi motiver son propre imaginaire. Charles Le Brun (XVIIe s.) par ex, s’est laissé tenter par la muse Erato ou par le dieu marin Neptune. Maurice Denis, en nabi, par Renaud et Armide. Marc Saint-Saëns par un éclatant Phaeton conduisant le Char du soleil au désastre, L’étonnant Âge d’or, fut réalisé pendant la guerre, par l’ex-fauve André Derain sans doute en contraste nostalgique. Quant à la fable Le loup et l’Agneau, elle inspira Oudry (XVIIIe s.).
La tapisserie la plus spectaculaire, de Jean Veber (XIXe s.), est empruntée au conte Le Petit Poucet. Divers épisodes voisinent sur le même plan et mettent en contraste la carrure de l’ogre et la course victorieuse du Petit Poucet. Tous les siècles modernes sont convoqués : d’un anonyme du XVIe siècle avec son camp de singes supplantant l’espèce humaine à des artistes récemment décédés comme Bertrand Dorny ou bien vivants tels Jean-François Lacalmontie, ses lignes de chant très dépouillées.
Ou l’internationale Jana Sterbak qui s’intéresse aux nuages, aux merveilleux nuages disait le poète, en cheminant vers Marseille. Le XXe siècle se taille toutefois la part du lion grâce au maître du genre, Jean Lurçat (La Petite peur) mais aussi des surréalistes, Max Ernst (et son inquiétante Grande forêt) ou André Masson (dans un feu d’artifice d’éclosions et germinations), Victor Brauner (Animaux) ou Matta, et un peintre néo-cubiste tel Fernand Léger, inspiré par les masques africains. Certains nous entrainent vers Hong Kong (André Borderie) grâce à la calligraphie chinoise, d’autres dans une île inconnue (François Louis Schmied), ou en randonnée lignesque (Dorny).
L’occasion de se familiariser avec un savoir-faire ancestral tout en cultivant son imaginaire, grâce auquel nous échappons aux carcans des pensées qui se veulent uniques. À partir de figures narratives ou de motifs abstraits.
BTN
Plus d’informations : museedelodeve.fr