Sélectionner une page

Limoux : Festival Nava sur le thème Guerre et Paix du 21 au 29 juillet

2 Août 2023 | Aude, Festivals, Théâtre

Du plus trash au plus paisible, quatre spectacles étaient programmés au festival Nava au cours de la seconde semaine. Un fil conducteur l’Histoire avec Un grand H.

Pour commencer, Guerre de Louis-Ferdinand Céline, un inédit jusqu’à l’année dernière. Il vient d’être édité. Le brigadier Ferdinand est
en convalescence après une grave blessure sur le champ de bataille, on le tient pour mort, lorsqu’il reprend conscience. On le suit dans les hôpitaux où il croise l’infirmière L’Espinasse et le Docteur Méconille (des noms à la connotation sexuelle à peine déguisée), jusqu’à sa remise de médaille pour sa bravoure et son départ pour Londres. Cette grande guerre de 14 où les soldats tombaient comme des feuilles en automne. Régis de Martrin-Donos signe l’adaptation et la direction de la lecture spectacle interprétée avec brio par Bertrand de Roffignac. Le comédien fait plonger le public dans la tête du soldat, une tête pleine des bruits insoutenables des tranchées, des bombardements, des cris des soldats blessés, de cet enfer vécu dans sa chair ; l’horreur qui fait vomir. La mort qui rode et qui l’a épargné. L’auteur déchainé livre un récit très cru, sexe et hémoglobine à jets continus, haletant, syncopé. C’est trash, mais complètement transcendé par le comédien qui accomplit seul en scène une performance remarquable. Copenhague, de Michael Frayn adaptation de Jean-Marie Besset, qui a reçu un Molière en 2000 pour cette traduction évoque la guerre de 40. Bohr et Heisenberg étaient amis collaborateurs de recherche ont contribué aux fondations de la physique quantique. Depuis 1941 ils se sont perdus de
vue, le Danemark est occupé par l’Allemagne. A la faveur d’un dîner à Copenhague chez Bohr et sa femme Margrethe, les deux anciens amis se retrouvent et vont discuter dehors à l’abri des écoutes de la Gestapo. Mis en scène par Nicolas Vial, le spectacle débutait fort bien, lorsque les éclairs, le tonnerre et la pluie se sont invités … les plus courageux ont assisté à la fin sous le préau. Ciel clément en revanche pour la fantaisie politique de Jean-Marie Besset, De Gaulle apparait en songe à Emmanuel Macron. Curiosité  aiguisée à l’idée de cette improbable rencontre entre les deux locataires de l’Elysée que tout sépare. L’âge, le Général élu à plus de 70 ans, l’actuel à pas 40 ans. Le premier a fait toutes les guerres, il a libéré et sauvé l’indépendance de la France, le second aucune. Soyons justes, ils ont dû faire face aux casseurs, l’un en 68, l’autre avec les Gilets jaunes. Un prénom de femme les fait vibrer : Brigitte. Lorsque descendu du ciel le fantôme du grand Charles vient hanter le sommeil de Macron, il l’interpelle « alors c’est vous le jeune président ? », le fossé est déjà là, bien profond. Depuis Jean Moulin Evangile on avait pu apprécier la connaissance, l’érudition de
Besset pour l’Histoire. Il a l’art d’adapter son style à celui de l’époque et au caractère de ses personnages. Les anecdotes vécues ou non toutes crédibles. Entre justesse et humour. Pour cette lecture spectacle, avec des accessoires rappelant ceux de l’Elysée des années 50, les deux comédiens se livrent à une joute oratoire jubilatoire. Stéphane Dausse, visage blafard émacié, à l’aise dans son
uniforme, son képi, ses médailles et ses galons est un habitué du rôle de De Gaulle qu’il a déjà joué dans Jean Moulin Evangile. Taille, voix, allure tout concorde. Adrien Melin, en pyjama, donne chair à Macron, pas une mince affaire tant le personnage semble falot face à son partenaire. Une excellente pièce à qui l’on souhaite une vie aussi longue que celle de Duc et Pioche, plus de 140 représentations
à Paris. Ce spectacle a été donné en clôture du festival. François-Éric Gendron s’inquiétait une peu de jouer La Rochefoucauld en plein air. La météo décidément capricieuse, a exigé un repli au cinéma. Et c’est là qu’avec Sabine Haudepin dans une mise en scène de Nicolas Vial il a pu interpréter Duc. La langue du XVIIe siècle, le style, les tournures, revisités par Besset sont un vrai délice. Une tendre
amitié unit l’homme mûr à la femme encore jeune. Ils enfantent ensemble La princesse de Clèves, « le plus beau roman du monde », comme le veut Mme de Lafayette. La même complicité authentique lie les comédiens que celle qu’entretiennent les personnages, leurs dialogues imaginés par Besset sonnent vrais. Pour un peu on se croirait à la cour du roi. Un joyau très précieux pour le baisser de rideau de Nava. Une excellente 24 e édition.

Mch

CatégoriesAude | Festivals | Théâtre

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi