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L’Art-vues a vu : « Gaviota », « Sur l’autre rive », « Portrait de famille » au Printemps des Comédiens 2024, par MCH

7 Juin 2024 | Hérault, L'Art-vues a vu, Spectacles vivants

Variations au Printemps des Comédiens.
Quand on est fan des grands auteurs, qu’ils soient récents ou qu’ils aient traversé les siècles depuis l’Antiquité, et grandes pièces, on est curieux de découvrir comment les metteurs en scène contemporains se les approprient.  Point commun entre les trois spectacles, public et sont plus ou moins ouvertement associés.

Très attendu Guilermo Cacace, considéré comme un des plus grands metteurs en scène argentins de sa génération. Il propose Gaviota* d’après La Mouette de Tchékhov. Autour d’une table sont réunis cinq comédiennes, interprètes des cinq personnages retenus pour cette adaptation. Les spectateurs sont invités à s’intercaler entre les interprètes, le reste du public, sur des gradins tout autour. Sur la table les reliefs d’un repas frugal et quelques verres de vin. Le spectacle est donné en espagnol surtitré. Guillermo Cacace nous explique la façon dont il a travaillé, comment il s’est débarrassé des costumes, des décors et de la mise en scène pour arriver à cette performance minimaliste.
On s’ennuie ferme, en dehors d’une scène expressionniste entre Treplev et Arkadina et un moment furtif entre Treplev et Nina.  On ne retrouve pas l’esprit de Tchekhov. Quel dommage car les cinq comédiennes ont bien du talent. On aimerait les voir en mouvement.

À l’Amphi d’O, autre variation, celle de Platonov, pièce de jeunesse de Tchékhov, Sur l’autre rive***, mise en scène de Cyril Teste. Habitué au style et à l’esthétique, on n’est pas surpris de voir les vidéastes suivre les comédiens et les écrans projeter les images. Les gros plans sur Anna (Olivia Corsini) très volubile ou Platonov/Micha (Vincent Berger). Pas de décor mais des tables de fêtes avec d’immenses bouquets apportés par des maître d’hôtel venus du public. Anna reçoit ses invités comme chaque été, invités auxquels se mêlent des figurants, une trentaine. Ils sont tous là, amis, membres de la famille et Micha/Platonov. Certains arrivent des gradins comme la belle Sofia (Katia Ferreira).  Ils le savent, ce sera la dernière fête chez Anna ruinée. Un musicien joue en direct. On danse on boit, on évoque le temps qui passe, avec nostalgie le temps qui ne reviendra pas. Certains se déchirent. D’autres affichent leur amour. Le champagne coule à flots jusqu’au feu d’artifice qui émerveille la compagnie. À partir de là, les vidéastes se sont éclipsés, la fête continue, les personnages sont redevenus tchékhoviens dans la plus pure tradition, entre désespérance et amour. On apprécie davantage alors la prestation du Collectif MxM. En particulier celle de d’Olivia Corsini et de Vincent Berger. Finalement des êtres qui nous ressemblent désorientés dans leur monde en décomposition.
Sur l’autre rive fait écho à La Mouette, un précédent spectacle de Cyril Teste. Les costumes, les éléments de décor sont ceux de La Mouette. Aussi par souci écologique de prolonger la vie des accessoires et de lier physiquement les deux œuvres. Une belle réussite

Au Théâtre Jean-Claude Carrière, Portrait de famille Une histoire des Atrides****, de Jean-François Sivadier tutoie la perfection. Le défi était de taille. Faire jouer par quatorze jeunes comédiens le drame épique fondateur du théâtre occidental. À partir des textes d’Euripide, Sophocle, Eschyle, Sénèque, le metteur en en scène a écrit pour ses jeunes interprètes. Dès l’arrivée dans la salle on est saisi par la beauté singulière du plateau de cendre et d’or, évocateur de l’hécatombe de morts royaux. Un jeune homme en costume de placeur, donne les dernières consignes au public, une poignée de secondes plus tard, on comprend que le spectacle a commencé, le comédien se lance dans une explication bafouillée de l’intrigue à venir. Le ton est donné. On sait que le drame va virer à la tragi-comédie. On est davantage dans Shakespeare que dans Racine. Cette saga épique débute par une histoire de pomme attribuée à la plus belle des déesses. Héla, c’est une mortelle, la belle Hélène, femme de Ménélas qui la reçoit. Colère des déesses. On connait la suite. La guerre de Troyes. Une guerre entre les peuples, les hommes et les dieux. Le sacrifice d’Iphigénie, les parricides, les infanticides, rien n’arrête les membres de cette maudite famille sanguinaire.
Jean-François Sivadier a respecté la personnalité de chacun de ses interprètes dans la distribution des rôles. Il s’est laissé transformé par leur « appétit, leurs rêves, leurs imaginations, leurs interrogations ».  On assiste à une succession de scène jubilatoires, cruelles, drôles, surréelles. Jusqu’à la mort d’Egisthe qui atteint le grand guignol. Tandis que la dernière heure irrésistible semble sortie directement du Songe d’une nuit d’été. Le public est ébloui par le talent incroyable des quatorze jeunes comédiens.  On rit beaucoup même si on pense parfois que la réalité d’aujourd’hui rejoint la mythologie.  Un spectacle total, épique, brillant. Du théâtre de la cruauté, étincelant.

MCH

Prochains spectacles : Feux artificiels, Martin Jouan jusqu’au 9 juin ; Kill me, Marina Otero, jusqu’au 5 juin, La Chartreuse ; Le malheur indifférent de Peter Handke, jusqu’au 15 juin.

Plus d’informations : printempsdescomediens.com

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