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L’Art-vues a vu au Printemps des Comédiens

8 Juin 2019 | Festivals, Spectacles vivants, Théâtre

Ecrasant Don Juan !

De la Conférence des choses à Un Instant, le Printemps des Comédiens a offert un florilège des tendances actuelles sur les scènes françaises ; mais c’est à un allemand, Frank Castorf que revient la palme. Son Don Juan**** secoue, enflamme, transporte, insupporte, dérange, décoiffe, écrase tout sur son passage. Dans une scénographie à l’esthétique baroque se déroule l’action. Une vision éclatée du mythe immortalisé par Molière et Mozart, truffée de citations de Tirso de Molina, de Bataille ou Luc l’évangéliste. Un spectacle total, dans une ambiance orgiaque décadente, pasolinienne, surtout pendant la première partie. Cette partie qui a pu heurter avec les gros plans sur des bubons et des sexes, un rien provocateur. Dans la scène de Charlotte, la paysanne se voit courser par Don Juan, Sganarelle/ Don Juan et Pierrot/Sganarelle, les trois hommes, nus qui l’achèvent dans un grand baquet au milieu des chèvres. Un peu trop long tout de même. Les comédiens, en perpétuel mouvement sur le plateau tournant, dessous, autour et en image sur les écrans.  La musique, emprunte à Lou Reed, elle entraine dans une sarabande ensorcelante.  Castorf voit dans Don Juan, le symbole du sexe triomphant, une sorte de Casanova aux victimes consentantes.  En sortant on n’est pas loin de penser, nous sommes tous des Don Juan.  Dès la première scène, Sganarelle et Don Juan, sont interchangeables, magnifiquement interprétés par Frantz Pätzold et Aurel Manthei. Jubilatoire jusqu’à la fin.

Une découverte

Un évènement qui ne saurait éclipser les autres spectacles programmés, aux mêmes dates, le plus souvent des performances à un personnage c’est le cas des deux spectacles au Théâtre des 13 vents. Je suis la bête***, d’Anne Sibran avec Julie Delille, la découverte. Une fillette abandonnée par sa mère vit dans la forêt avec les bêtes dont elle adopte les coutumes. Vivant  dans  le  noir  au fond  d’un placard  puis dan  un terrier, la scène est plongée  dans  le silence  et  le noir absolu. La lumière, particulièrement travaillée est comme perçue du fond d’un sous-terrain, l’effet est accentué par un tulle gris séparant la scène des  spectateurs. Julie Delille, mi-femme mi-bête, évolue dans cette forêt à la fois hostile et protectrice. Rampant, sautant, allant à quatre pattes, sous sa chevelure la recouvrant comme une fourrure. Elle bouleverse. Juste avant, La Clairière du grand n’importe quoi** de et avec Alain Béhar, dans une scénographie de Cécile Marc, en 2043, après-demain donc, la planète ne s’est pas arrangée. Dans ce récit géopolitique, le métissage est total, tous le peuples sont hybrides, on ne sait plus qui est qui ni ou on est, embarqué dans une galère improbable échouant dans cette clairière du grand n’importe quoi. A méditer.

Autre performance à plusieurs voix celle-là, Mont-Vérité**, de et mise en scène de Pascal Rambert avec les élèves de l’école TNS, sur le thème d’une utopie perdue. Le premier tiers, dans la roselière plantée sur le Bassin du Domaine d’O avec les 12 comédiens qui se faufilent et dansent entre les plantes et jouent vêtus de toges, tel un chœur antique, très esthétique a de quoi séduire. Mais cela se gâte lorsque l’un après l’autre ils viennent faire leur récit, on commence à s’ennuyer. La dernière partie, lorsque les roseaux sont retirés, marquant la fin de l’utopie, la lassitude s’installe carrément.  Dommage car ces jeunes comédiens sont plein de promesse.

Réflexion sur le temps

Reste   les deux spectacles des surdoués des adaptations : Gosselin et Bellorini. Le marteau et la faucille**, de Don DeLillo, mise en scène de Julien Goselin avec Joseph Douet, laisse sur sa faim. Après les Particules élémentaires d’après Houellebecq et 2666 d’après le roman fleuve de Bolano, qui durait 12 h, se retrouver dans un format d’1h avec un seul comédien est frustrant. Lumière, vidéo, création sonore, toujours aussi soignées, mais trop étriqué pour ce metteur en scène. Malgré un texte fort et la fort belle prestation du comédien. En revanche, Un instant**** d’après Marcel Proust, mise en scène de Jean Bellorini avec Hélène Patarot et Camille de la Guillonière, frôle la perfection.  Ce travail sur la mémoire, sur le temps suspendu ou retrouvé, qui commence par la chanson Avec le temps, a de quoi émouvoir. Deux évocations se croisent celle du jeune Marcel, l’enfant fragile et celle de la jeune indochinoise, qui a quitté son pays pour venir en France. Elle est à la fois cette fille et la grand’mère qu’elle est devenu, lui est ce jeune homme qui mêle ses souvenirs à ceux de la femme. Ils se rencontrent, se promènent, lui la prenant sous son bras protecteur, elle se laissant adopter, ils sont petit-fils et aïeul. Presque deux heures de bonheur absolu.

Les tournées :

Le marteau et la faucille, 4 au 6 décembre, Théâtre Sorano, Toulouse.

La clairière du grand n’importe quoi, 14 au 16 novembre, Sortie Ouest, Béziers ; 21 novembre, Le Périscope, Béziers ; 28 novembre, Théâtre+ Cinéma, Narbonne ;

Un instant, 5 au 7 mai 2020, Théâtre de la Cité, Toulouse.

Prochains spectacles au Printemps des Comédiens :

Banquet capital d’après Karl Marx, adaptation et mise en scène Sylvain Creuzevault, la langue puissante de Marx, 9 au 14 juin, chapiteau, La Pinède.

Opening night, d’après le film de John Cassavetes, mise en scène Cyril Teste, avec Isabelle Adjani dans le rôle de la star en répétition, spectacle évolutif, 12 au 15 juin, Théâtre Jean-Claude Carrière.

Tous des oiseaux, de   Wajdi Mouawad, Théâtre de La Colline, ils inventent une nouvelle langue pour parler de la mémoire des mondes, 14 et 15 juin, Amphithéâtre d’O.

Une femme se déplace, de et mise en David Lescot, exploration de l’enfance, dans l’esprit des comédies musicales de Broadway, 14 au 16 juin, Théâtre des XIII Vents.

Jusqu’au 30 juin, 178 rue de la Carrierrasse, Montpellier. Tél. 04 67 63 66 67. www.printempsdescomediens.com

MCH

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