Voici certainement le spectacle le plus étonnant, le plus enthousiasmant, le plus original qu’il nous ait été donné de voir en 2017, La Dévorée, par le cirque Rasposo. Le pari fou de Marie Molliens ? Faire revivre la tragédie de Penthésilée avec le vocabulaire du cirque.
Comment traduire cette passion amoureuse, dévorante qui s’achève dans un bain de sang avec comme unique moyen d’expression les arts de la piste ? Marie, qui a succédé à sa mère Fanny à la tête du cirque familial est obsédée par la place de la femme dans la création, elle poursuit cette quête dans chacun de ses spectacles.
Ici, elle place la femme au cœur de la piste. Comme dans les tragédies antiques, elles sont trois, formant le chœur, Marie, Justine Bernachon et Colline Caen tournent sur elles-mêmes vêtues de robe en lamé doré, tandis qu’on entend Casta Diva, l’air de la prêtresse Norma. C’est le prologue, nous sommes prévenus, nous assistons à rituel, à une cérémonie.
Penthésilée, une des trois personnes gravit peu à peu les étapes, séductrice, amoureuse, meurtrière. Les trois artistes alternent les numéros à la corde, au trapèze, en virtuoses. L’ambiance dorée qui nimbe le premier tiers du spectacle cède la place au rouge de la passion et du sang, jusqu’au final dramatique. Sur son fil, Marie, la funambule boulotte son amant au-dessus de ses lévriers afghans qui se régalent des restes, avant de plonger dans le vide, consciente de l’horreur de son geste.
Eblouissant, dérangeant, transposition parfaitement maitrisée, avec la complicité des musiciens. Certaines sensibilités ont pu être heurtées à la vue de cette curée, certes, mais tellement bien sublimée.
MCH