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Issoire : le peintre montpelliérain Jordi invité à animer de ses sculptures certains lieux de la ville, par BTN

25 Mai 2023 | L'Actu

Pour Jordi, au commencement était la forme, élégante, à l’origine référentielle mais qui ne tardait pas à s’émanciper, à l’instar d’un animal qui refuserait tant la grégarité que la captivité. Peinture, Sculpture, installation : elle a tout connu, tout exploré. Et se plaît à s’éloigner des lieux d’exposition traditionnels afin de se confronter directement au monde, à savoir à l’espace public. Cela suppose l’accès à une nouvelle dimension, que l’on pourrait qualifier d’ultra humaine, au vu de son gigantisme objectivé, ainsi qu’en témoigne son immense paravent à vent.

Cette forme, dans la production de Jordi, est stylisée, toute en lignes courbes et en souplesse, suffisamment maniable pour se prêter à la variation à partir d’un thème. C’est ainsi que sa multiplication s’inscrit soit dans un motif géométrique, le cube et la sphère principalement, mais aussi la tour, soit dans toute une série de figures, essentiellement animales (Grand cerf, poisson, taureau), ou végétales (arbres). Ce qui symbolise bien cette émancipation que j’évoquais en début de texte. La forme de Jordi est suffisamment plastique pour se prêter à tous styles de motifs.

Les motifs géométriques relèvent de l’universel et sont donc immédiatement identifiables du public. Ils soulignent l’idée de perfection qui vient, en quelque sorte, apaiser l’esprit tracassé par tous les défauts du quotidien. Comme ils se présentent à nous à claire-voie, ils y ajoutent cette légèreté dont nous avons besoin et qui constitue comme une respiration, aux points nodaux et encombrés de la ville. Le cube, sur pointe, semble défier les lois de l’équilibre et perturber nos points de vue bien ordonnés. Les figures animales et végétales touchent d’emblée les âmes enfantines et celles des grands qui l’ont conservée. Elles créent un effet de surprise et renvoient à cette Nature qui nous est si chère, et qu’il convient de préserver. Elles introduisent dans l’espace public un peu de féérie, d’insolite. Une dimension ludique aussi quand Jordi combine 5 versions, de plus en plus petite, de sa forme, selon des principes mathématiques de base, fondés sur la division. Sa façon d’abouter les formes rappelle le découpage, activité prisée des enfants et même la ronde autour du monde, célébrée par le poète de la fraternité, quand elle s’inscrit sur la sphère. Quand il les traite dans leur continuité, les multiplications de formes ressemblent à ses sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois dont parle Francis Ponge.

Le matériau utilisé est pourtant l’acier, matériau moderne et industriel s’il en est. Mais Jordi non seulement lui permet de s’émanciper de ses fonctions habituelles pour accéder au statut d’œuvre d’art mais lui attribue un minimum d’humanité en le soumettant à l’injure du temps par le biais de la rouille qui fournira la patine définitive. Dans d’autres cas, l’acier est peint de couleurs primaires ou de blanc, ce qui met de la gaieté tant dans la grisaille des pierres volcaniques soit dans le caractère maussade des conditions climatiques liées à la montagne toute proche.

Ainsi, une simple ligne, figurant de manière stylisée une tête animale familière, perçue frontalement, se fait-elle outil visuel à même de s’inscrire, en se démultipliant, dans notre espace urbain, lui apportant sa souplesse, sa plasticité, sa légèreté. Mais aussi sa résistance, son allégresse et au fond son désir de liberté. Liberté d’inspiration, Art de dompter le matériau comme l’on dompte un animal rétif, Art de faire pousser la matière comme on plante un arbre un peu fou et un peu de folie n’a jamais fait de mal à personne. Il s’en faut.

BTN (AICA France).

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