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L’Art-vues a vu : « Fins de mondes » au Printemps des Comédiens à Montpellier

8 Juin 2023 | Festivals, Hérault, Spectacles vivants, Théâtre

Pas moins de dix spectacles différents en quatre jours pour lancer le Printemps des Comédiens.  Impossible de tout voir. Il a fallu faire des choix et peut-être passer à côté d’un chef d’œuvre. En trois jours, pas de risque inutile, donc trois artistes suivis depuis des années, le plus souvent enthousiasmants. Extinction**, porté Julien Gosselin, collectif Si vous pouviez lécher mon cœur. A 36 ans, ce metteur en scène est un surdoué. Découvert en 2013, avec Les particules élémentaires adaptées de Houellebecq. Il tutoyait la perfection dans ce spectacle total, mêlant images projetées, une bande son exceptionnelle, comédiens au plateau avec fluidité, un peu moins de 4 h. Trois ans plus tard avec 2666, adapté du roman fleuve de Bolan, encore plus fort, encore plus prenant, 5 h d’extase. Hélas malgré des comédiens magnifiques, qu’on ne voit le plus souvent qu’en image, malgré le texte de Thomas Bernhard qu’on doit attendre plus de 3 h et ceux de Schnitzler   dans la deuxième partie, malgré le décor somptueux, on reste sur sa faim, l’alchimie ne fonctionne pas, la déception est grande. Le propos, une réflexion sur la fin d’un monde, celui de la société autrichienne, du début du XXe siècle. On pense aux Damnés de Visconti pour la violence et à Proust pour les mœurs avait de quoi séduire. Le long prélude dans une boîte de nuit enfumée où l’on se trémousse sur une musique techno en buvant de la bière, est assommant et assourdissant. Bref on aurait préféré moins de fumée.

Autre façon de voir la fin d’un monde, Rapport à une académie****, de Kafka. Mis en scène par Lavaudant, il s’agit du témoignage d’un singe devenu homme grâce à différents précepteurs. On commence par la poignée de main, fumer la pipe, puis l’apprentissage de la gestuelle et de la parole.  Voué à la captivité, il préfère se montrer singer les hommes. Sous le nom de Peter le Rouge il réussit sa métamorphose et devient un artiste, le plus fameux de son temps. Sur scène la gigantesque porte de l’académie s’ouvre sur un homme petit qui se hisse sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée. Un peu pataud, il s’avance et s’adresse aux « éminents membres de l’Académie. Manuel Le Lièvre s’est glissé dans la peau de ce personnage hybride, maquillé et perruqué, il intrigue. Il est parfait. Une  sacrée  performance. Son discours coule, court, dérange. L’homme descend du singe, le singe singe les hommes. Serions  nous tous sur  le  point de devenir singe ? Planète en danger. Réfléchissons. Court mais intense. Admirable concentré de théâtre.

Dans le cadre majestueux du bassin, protégé par les grands pins, Ismène****, va se révéler enfin. Fille de Jocaste et Œdipe, sœur d’Antigone, sœur d’Etéocle et Polynice, elle est restée dans l’ombre.  Invitée à donner sa version du mythe, la petite oubliée prend enfin la parole. Elle ne sera pas « la sœur de », elle sera elle, « grecque », comme le mythe. Carole Fréchette, l’autrice, Mama Passinos, la comédienne et Marion Coutarel la metteuse en scène, livrent un spectacle entre lecture et jeu. Le désarroi d’Ismène est palpable, son indécision aussi. Qui écouter ? Quelle voie ? A qui rester fidèle ? Au roi Créon ?  Aux dieux ? Ismène ne sait plus. Elle cherche, elle croit trouver une voie intermédiaire. Mama Prassinos s’interroge, nous interroge. Toute en finesse en tendresse, elle nous entraine dans la découverte de cette sœur oubliée, témoin de la fin d’un monde, celui du royaume de Thèbes. Sa sensibilité émeut. On se dit avec elle et si c’était Ismène la vraie coupable et non Antigone qui se serait accusée pour la protéger ? Pourquoi pas. Le  décor, d’abord  une simple table et un verre, et  puis  les rideaux tombent  pour laisser voir les ruines conçues  par Aneymone Wilhelm, la comédienne se drape alors symboliquement d’une toge ou d’un linceul, marche pieds nus dans le sable. Elle part tandis que s’élève la voix de la soprano Mia Mandineau, sous les applaudissements d’un public conquis. L’essence du Théâtre

MCH

Jusqu’au 10 juin, Domaine d’O : Ismène, de Carole Fréchette, Marion Coutarel et Mama Prassinos.  Jusqu’au 10 juin, Domaine d’O : Rapport pour une académie, de Franz Kafka, Georges Lavaudant.

Les autres spectacles de la semaine :

  • Du 9 au 11 juin, Théâtre des 13 vents : La Tempête / Le Songe d’une nuit d’été, d’après William Shakespeare, Marie Lamachère.
  • Jusqu’au 10 juin, Domaine d’O : Anatomie du désir, Boris Gibé. 
  • Jusqu’au 10 juin, Domaine d’O : Création 2023, Centre des arts du cirque Balthazar.
  • Du 8 au 10 juin, Domaine d’O : Ubu, d’après Alfred Jarry et Joan Miró, Robert Wilson. 
  • Du 8 au 10 juin, Hangar Théâtre : Hartaqāt (Hérésies), de Rana Issa, Souhaib Ayoub et Bilal Khbeiz, Lina Majdalanie et Rahib Mroué. 
  • Les 9 et 10 juin, Domaine d’O : Esthétique de la résistance, d’après Peter Weiss, Sylvain Creuzevault. 
  • Les 9 et 10 juin, Domaine d’O : Léon Blum, une vie héroïque, Philippe Collin, Violaine Ballet et Charles Berling. 

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