Les fêtes votives, dans la région, on connaît. Et en particulier au plus près de la Camargue où elles sont synonymes de gardians (et gardianes !), taureaux, pastis, bagarre, pétanque, abrivados et autres croix en empègues… Antoine Martin, l’auteur d’une désopilante Histoire de l’humanité et d’une brillante exploitation du mouvement d’aile de papillon dans son récit El nino, présente, dans cet ouvrage, un de ces abécédaires indigènes plus ou moins explicatifs, plus ou moins narratifs, dont il a le secret et dont on avait pu découvrir une première expérience avec Fous de Feria, chez le même éditeur, du Diable Vauvert. Comme le précédent, l’ouvrage, est très coloré, sa couverture est un festival, et illustré de manière pertinente. Il se présente tête-bêche, une partie pour présenter ou collecter, une partie pour raconter. L’angle de vue est certes respectueux, on voit qu’Antoine Martin, est un fin connaisseur de coutumes locales, mais aussi un tantinet ironique – on a le droit aussi de s’amuser quand on lit, a fortiori quand on écrit, un livre. Les jeux de mots fusent (aux apparitions des barrières de protection correspond la disparition des slows du prénommé Alain B, faute de bal à papa ; il est ailleurs question du Lévi’s de Carole ; et on lit au détour d’une citation de Mistral : « On ne fait pas plus urbain dans le genre rural » à propos de salutations protocolaires dans les arènes) ; l’auteur recourt en permanence à la polyphonie incitative (« une rengaine assure qu’on ira tous au paradis, on ira »), au leitmotiv (la suppression du bal à papa), sollicite les grandes références (St Jean de la croix, pour évoquer la volonté, l’entendement et la mémoire du buveur d’apéro moyen), ou détourne des citations célèbres (les présidents Mao et Senghor) au profit de la bouvine. Il sait aussi faire montre de maestria quand il s’agit de résumer les six âges de l’existence d’une fêtarde, ou ceux d’un fêtard en perpétuel renoncement, voire, à la manière de Francis Ponge, mais en plus drôle, de relater le déroulement d’un orage intempestif, si l’on peut dire. Il traque les expressions indigènes et courantes (« Ohou, tu m’as pris pour un touriste ou quoi ? », « T’y es de Courthézon, mon pauvre »), taquine au besoin la versification alexandrine, et s’étonne de l’absence du mot raseteur dans les correcteurs orthographiques. L’endroit le plus drôle : quand les jeunes « attrapaïres » ne savent pas quoi faire du taureau attrapé, se retrouvent tout cons, se regardent une seconde et décident de le relâcher… Du vécu, je vous dis. Dans chaque article de chacune des parties nous sommes plongés dans l’ambiance de la fête, une fête qui est à l’image de la vie, avec ses prémisses et sa fin, inéluctable, rythmée par le pétard des bombes. Cette vie que l’auteur nous recommande de retrouver, vite, à la fin de la lecture de son livre Et l’on on se dit que ce dernier s’avèrerait un cadeau idéal pour des anniversaires personnalisés ou pour qui cherche à singulariser celui de Noël. Les illustrateurs s’en sont d’ailleurs donné à cœur joie, l’un Arnaud Fayet pour caricaturer les personnages et scènes évoquées, l’autre, Ève André, pour pratiquer l’enluminure, à la manière de nos ancêtres, lesquels eux aussi savaient faire la fête. Votive même, quitte à s’acquitter d’un vœu. Et quel vœu : Que la suivante arrive vite, et qu’elle soit des plus réussies ! Malgré l’absence du bal à papa, et « ces couillons du comité des fêtes » (je cite de mémoire) … BTN
Fous de fêtes votives, par Antoine Martin, album cartonné quadri format 128 pages. Edition Au diable vauvert : www.audiable.com
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