Sélectionner une page

Expo :  » La mesure du monde  » d’Abdelkader Benchamma au MRAC à Sérignan

11 Mar 2020 | Expos, Expos, Hérault

L’art et la science ont souvent fait bon ménage mais elle fascine et inquiète d’autant plus, en nos époques de prévisions pessimistes. Les phénomènes naturels, régis par des lois qui nous échappent mais que l’homme s’est toujours complu à définir, sont empreints non seulement de mystère mais de beauté, que les artistes justement s’efforcent de révéler.

Il en est ainsi des caissons carrés focalisant en gros plan sur des moisissures de champignon, sublimées par une patine de verre soufflé, proposé par Dove Allouche. Ou de ces poussières du désert scrupuleusement répertoriées au microscope par Caroline Corbasson, sur tirage photographique au charbon. Les éléments ne sont pas en reste : Elisa Pone joue avec le feu sous plexiglass. Pierre Malphettes avec des couches de sable et aussi avec de l’eau grâce à un système hydraulique qui modèle une maquette de paysage volcanique.

Anne-Charlotte Vinel semble jongler avec la théorie des catastrophes quand elle filme un vortex aquatique dans un bassin de rétention. Julien Discrit pratique également l’érosion sur résine et mousse polyuréthane. L’air n’est pas oublié sous la forme du vent dans le film de Joan Jonas. Quant à le terre, elle est omniprésente, dans la vidéo forestière à l’infrarouge de Hugo Forestière, et plus concrètement, avec l’immense peinture au sel cristallisé, confectionnée par Capucine Vandenbrouck. Le Nigérien Otobong Nkanga recourt à des gestes primitifs saisis par l’objectif. L’Autrichien Lois Weinberger la porte (la terre) dans ses bras, comme un bébé qu’on berce. Stéphane Sautour l’honore avec le son, et revient sur la catastrophe de Fukushima. Son aîné, Keiji Uematsu, joue avec une ombre sur tirage argentique. La chimie séduit Edyth Dekyndt qui film la dissolution d’un cube d’encre noire dans l’eau. La géométrie, le Hongrois Csorgo qui ressuscite le cinétique pout transformer les formes élémentaires en une seule et unique. Le film de Maya Watanabe sollicite une expérience sur une carpe entre la vie et la mort tournée dans un théâtre anatomique. Les 25 artistes répertoriés ont donc été conviés pour nous donner leur vision du monde qu’ils adaptent à notre mesure.

Mais l’hiver au MRAC, c’est également les fresques murales ou dessins gigantesques d’Abdelkader Benchamma et les mirages concrets de sa proposition Fata Bromasa. Naguère en noir et blanc, aujourd’hui avec l’apparition de couleurs mais proche du thème scientifique que suppose La mesure du monde.

En l’occurrence Benchamma traiterait plutôt de sa démesure, notamment dans cette salle obscure dont il recouvre le sol, débordant sur les murs, d’une constellation continue de gestes, comme afin de mettre le tourbillon cosmique sous nos pieds, suscitant le vertige. Ailleurs il rend hommage à Fra Angelico en s’inspirant des marbrures renaissantes qui ont des faux airs de spectre de Rorschach, dont le fascine l’impeccable symétrie. La question se pose en permanence, de savoir ce que l’on voit, si l’on est dans une figuration visionnaire ou dans de la pure abstraction. N’en est-il pas de même de bien des objets qui nous entourent et qui ne demandent qu’à s’abstraire dès lors qu’on les regarde d’une manière particulière ?

Car il s’agit de donner forme au chaos, de le contenir et d’en donner un aperçu tempéré. Enfin, il se replonge dans la culture de ses origines, revient sur la terre familiale, mêle les acquis du net à des gravures médiévales et à des références à la Divine Comédie, illustrée par Doré, afin de revisiter les miracles et prodiges qui ont façonné notre imaginaire collectif.

Pour Benchamma, en effet, et on ne saurait lui donner tort, les miracles et autres mirages sont relatifs à l’époque qui les produit. A méditer en ces temps où bien des discours nous promettent encore la société parfaite à laquelle nous adhérons alors que l’on sait la nature humaine imparfaite, tout comme ce qu’elle est amenée à produire. En ces temps aussi où l’on se tourne vers des rumeurs célestes, à la recherche d’un paradis qui nous épargne l’enfer que l’on a justement suscité sur terre. L’œuvre de Benchamma se situe entre géologie et cartographie céleste. Pas facile d’y trouver sa place mais l’art nous aide à maintenir un semblant d’équilibre.

BTN

Jusqu’au 19 avril au MRAC – 146, av. de la plage à Sérignan (34).

Plus d’informations : tél.04 67 17 88 95. mrac.laregion.fr

CatégoriesExpos | Expos | Hérault

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi