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Expo : « De leur temps » à la Collection Lambert à Avignon

16 Fév 2020 | Expos, Expos

Chacun des 77 collectionneurs de l’ADIAF sollicité pour honorer deux décennies a mis l’une de ses œuvres privées en exergue, 182 prêts, ordonnés et classés par Stéphane Ibars.

Tous les supports sont représentés : on passe d’une série de peintures (Françoise Pétrovich par ex, Damien Cabanes Philippe Cognée, Claire Tabouret pour la figuration ; Lionel Sabatté pour le travail de matière…) à des installations surprenantes (l’américain David Horvitz et ses bouteilles d’eau minérale qui forment comme une maquette urbaine au sol, les verres à thé cassés de Latifa Echakhch…). Ou de la photographie (Faigenbaum méditant sur une écolière barcelonaise, scènes intimistes de l’américaine LaToya Ruby Frazier ; l’expédition en Antarctique de Pierre Huyghe…) à la vidéo (L’amusant menuet de Dewar et Gicquel, le ballet lettriste de Charles Sandison, l’inamovible mer d’Ange Leccia…) ; de dessins en tous genres (Ceux, grotesques, de Mac Carthy) à des ready-made dégradables (Fleurs en vase de Lain et Detanico, ou en pot de Kawani Kiwanga) voire à des assemblages inattendus (De Bruyckere : Créature molle sur commode).

Beaucoup d’expérimentations aussi (Sur cibachrome de Dove Allouche, en lavis d’encre de Gilles Balmet…) ; une ouverture vers l’art de la rue (Le crayon très engagé de Brusk) et des objets urbains redéfinis (les skates de Mounir Fatmi). On notera la présence majoritaire d’artistes français (On n’est quand même pas si mauvais !) parmi lesquels nos internationaux (série de toiles avec parapluie de Fabrice Hyber, panneau de bois grignoté aux souris et travaillé au chocolat de Michel Blazy, seins nus de Sophie Calle…). L’Afrique (Omar Ba, Barthélémy Toguo) et les artistes issus de l’immigration font une percée remarquable et justifiée (Neil Beloufa, le portugais Davide Balula et ses bois calcinés, ou ses horloges décalées, la photo marocaine aux iris d’Yto Barrada…). Beaucoup sont jeunes, la quarantaine ou moins, encadrés toutefois par des aînés : Morellet, Pierrette Block, Annette Messager… Bon nombre sont hantés par le thème de l’hybridité (Oiseau « burné » de Gilles Barbier), la prothèse (Kader Attia), le masque (Monticule, de Théo Mercier), le végétal (Sylvain Rieu Piquet), le règne animal (Sabatté, Mayaux, Mathieu K Abonnenc…), la référence culturelle (Yann Serandour citant Buren, la Mona Lisa d’Etienne Cail). Certains collectionneurs trouvent leur bonheur dans le petit format (polaroïds bidouillés de Julien Carreyn, papillon sur carte postale de Pierre Ardouvin), d’autres dans les œuvres imposantes (le bonhomme en spaghetti de Théo Mercier, la toile de Kehinde Weley sur le conflit entre juifs et arabes, le portrait étêté d’Axel Roy).

L’actualité n’est pas oubliée (Courbe de bourses de Claude Closky, Mallette de Sarko, de Julien Prévieux), ni l’Histoire (rappel de la Shoah par Raphael Denis) même si certains artistes se retranchent dans l’abstraction (Decrauzat) et sa géométrie (Vera Molnar, Jérôme Grivel) ou des recherches plus personnelles (récit de rêve de Julien Discrit ; recherche d’objets à partir d’un média par Benoit Broisat) comme pour échapper aux images pléthoriques. Au demeurant, l’apocalypse crainte n’est pas absente des huiles de Laurent Grasso. Ni l’implosion à venir des frontières du monde dans le feutre déchiré de Jonathan Monk. Ni même la condition des femmes encore minoritaires, y compris dans ces acquisitions (Feinte broderie de Ghada Amer). Une modeste Vanité de Pencréac’h nous rappelle notre misérable condition. Enfin on retrouve ici comme ailleurs un intérêt pour l’artisanat : le verre chez Prune Nourry, la céramique chez Elmar Trenk- walder, le bois chez Nicolas Floc’h. On pourrait parler aussi de l’humour, de l’ironie de la dérision (Cyprien Gaillard)…

Daniel Bosser a droit à une salle entière, pour laquelle il a sollicité des panneaux d’espacement transparents de Quentin Lefranc, protégeant : le dé géant et modifiable d’Evariste Richer, une roue en parpaing de Raphael Zarka, deux pommes gravées de Benoît Maire, un cylindre peint avec réveil de Mathieu Mercier, un texte lu d’On Kawara et une ligne de volumes livresques au sol, de Caroline Réveillaud, le tout formant un labyrinthe, face aux recherches sur la « Fountain » de Duchamp, conduites par Saâdane Afif. Ce sont toutes ces œuvres, et bien d’autres, qui s’offrent à nos yeux alors qu’elles auraient pu ne jamais quitter la sphère privée. Encore n’ai-je pas fait référence à celles pour lesquelles j’ai eu un coup de cœur telles que la branche à œufs ou la cuillère à framboises de Laure Prouvost (Biennale de Venise, Abattoirs), la structure arachnéenne en acier de Chiharu Shiota ou la sculpture en métal de Tatiana Trouvé et l’amusante méduse au trémail faite de balais de Michael Delucia, les résidus de gomme bleue de Marianne Mispelaêre, les pan- neaux détecteurs de mensonge de L.Abu Hamdam.

Dis-moi ce que tu collectionnes et je te dirai si tu es de ton temps. Ces choix divers ont permis d’en exhiber toutes les facettes, d’une époque s’entend.

BTN

Jusqu’au 15 mars – 5, rue violette à Avignon (84).

Plus d’informations : tél.04 90 16 56 20. collectionlambert.com

CatégoriesExpos | Expos

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