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Entretien | Robert Combas au musée Paul Valéry à Sète : « C’est l’esprit libertaire qui nous lie Brassens et moi ! »

25 Oct 2021 | Arts plastiques, Hérault, Les interviews, Musées

Robert Combas dans son atelier | © Geneviève Combas

Robert Combas
au musée Paul Valéry à Sète

Robert Combas fait lactualité artistique en cette rentrée 2021 !
Tout dabord à Paris, à loccasion dune exposition « le Labyrinthe des têtes » qui rassemble une série de portraits réalisée récemment.
Et puis, bien sûr, à Sète autour dune exposition dans le cadre de la commémoration des 100 ans de Georges Brassens. Un évènement qui était particulièrement attendu.
Après 1992 où il avait réalisé une exposition qui avait créé l’événement à l’époque, Robert Combas présente, cette fois, de remarquables portraits « hauts en couleur » du célèbre poète chanteur. xGeorges interprété par Robert ! Quand deux monstres sacrés de l’île singulière se retrouvent…
Entretien avec Robert Combas dans lequel on évoque Brassens bien sûr mais également la musique, son œuvre et sa vie à Sète où il sest enfin posé avec son épouse Geneviève devant cette Méditerranée qui inspire tellement…

Quel est votre lien avec l’œuvre musicale de Brassens et celui avec lhomme quil était ?

Parmi les choses qui nous relient Brassens et moi, il y’a Sète, d’abord. On y a vécu tous les deux et on en est parti aussi… Et puis, on y est revenu… En ce qui me concerne, j’ai pris conscience « de mon côté sétois » à travers ma création. A Paris par exemple, je suis un « méditerranéen à Paris » ! Cette identité s’est affirmée loin de Sète. Brassens a eu des maisons en Normandie et en Bretagne mais il n’a jamais quitté Sète dans sa tête et dans son cœur. D’ailleurs, il l’a beaucoup chantée… Et puis, je crois qu’il y a ce rapport « d’amour-haine » qui agit comme une passion. L’exil peut-être souhaité par tous les deux nous a permis de faire évoluer nos créations. Mon lien avec lui, c’est aussi d’être libertaire ! Je n’aime pas trop que l’on m’emm…rde, tout comme lui à l’époque (rire). 

Au niveau artistique quel regard portez-vous sur son œuvre musicale ?

Ah!  Pour moi, c’était quelqu’un qui maîtrisait son art parfaitement ! Il était à la fois très France des années 50 dans ses textes et d’une grande modernité aussi. Déjà à son époque on n’écrivait plus comme il le faisait. Et puis, il avait cette énergie et un rythme qui m’a toujours impressionné.

Comment vous a- t-il inspiré pour que vous puissiez réaliser des œuvres sur lui ?

J’avais le sentiment que son univers était en noir et blanc. Je ne sais pas mais j’avais cette vision en tête. C’est pourquoi en 1992 pour l’exposition « La mauvaise réputation », j’ai voulu le mettre tout en couleur à la dimension de l’homme qu’il était ! Haut en couleur…Même chose pour les œuvres récentes. J’ai souhaité des portraits très colorés.

« Comme une sorte de « non-respect » à la façon Combas »

Cette nouvelle exposition au musée Paul Valéry réunit des œuvres anciennes notamment de la période de votre première exposition en 1992, des portraits réalisés récemment et des œuvres sur la ville de Sète.

Pour les tableaux de l’exposition de 1992, j’ai poussé le vice à interpréter les textes des chansons de Brassens à ma façon. C’est irrévérencieux, une sorte de « non-respect » pour finalement en extraire autre chose que l’interprétation originale. Pour certaines œuvres, j’ai appliqué une rapidité d’exécution comme si c’était des notes de musique. Pour tout vous dire, que ce soit en 1992 ou même récemment, je n’étais pas enthousiaste à l’idée de travailler sur Brassens car je n’aime pas la notion d’hommage. Lorsqu’on m’a demandé de faire cette nouvelle exposition au musée Paul Valéry, j’ai dit non au départ car je ne voulais pas refaire des toiles comme en 1992.
Et puis, étant donné que durant le confinement j’ai travaillé sur une série de portraits, j’ai eu l’idée de proposer plusieurs portraits de Brassens à ma façon. Finalement ça collait parfaitement au travail que j’ai fait depuis octobre 2020, des têtes que l’on peut voir dans l’exposition « Labyrinthe de têtes » à Paris (Galerie Laurent Strouk)*. 

Donc des portraits très colorés. On sent que vous avez réinterprété « lhomme » de la même façon que vous aviez réinterprété son œuvre musicale dans certaines toiles à l’époque.

Effectivement ! Pour tout vous dire, en général la plupart des œuvres que j’ai pu voir de Brassens étaient figées comme si on voulait le « statufier » ou le ligoter. Bref, sans vie…J’ai largement préféré faire des portraits de lui en couleur avec la moustache verte, jaune ou orange. Pour le rendre humain, pour lui redonner ce rythme tranquille et inimitable qui était le sien. J’ai eu envie d’explorer à ma façon qui était l’homme Georges Brassens,  comment  je le voyais.

« Sète, jai aimé la quitter mais jy suis revenu… »

Devant le portrait « Georges bleu » – © Jean-Luc Barilla

Et puis le titre de lexposition est « Robert Combas chante Sète et Georges Brassens ». On y trouve autant la ville que Brassens.

Il a été compliqué de remettre la main sur tous les tableaux de la première exposition. On a perdu la trace de certains et pour d’autres, des collectionneurs n’ont pas voulu nous les prêter. Alors j’ai pensé compléter  l’exposition avec des tableaux qui me sont chers et qui représentent Sète, ce qui me semble une bonne idée. Car encore une fois, la ville est omniprésente dans la vie de Brassens et la mienne.
Sète, j’ai eu besoin de la quitter… Certes, j’y revenais de temps en temps… Et puis le temps a fait son œuvre et j’ai ressenti le besoin d’y revenir vraiment avec ma femme Geneviève qui est tombée amoureuse de la ville.

Autre événement, l’édition complète des 10 albums vinyles réalisés par Universal et  que vous avez donc illustrés ?

Oui j’ai beaucoup aimé réaliser ces coffrets car je suis déjà attaché au disque vinyle. J’en possède une collection depuis très longtemps. J’aime l’objet et les pochettes. Lorsque l’on m’a proposé d’illustrer cette édition spéciale**, j’ai accepté car je suis sensible à l’objet et aux pochettes tout particulièrement…

Puisque lon évoque le sujet, quel est votre rapport à la musique ?

La musique est toujours présente dans ma vie. A des moments plus qu’à d’autres. J’ai beaucoup aimé la musique anglo-saxonne, un peu moins maintenant. J’ai longtemps collectionné des disques vinyles. Une grande partie de ma vie, j’ai écouté beaucoup de musique, de styles très différents même si j’ai une grosse tendance pop rock. Plus précisément, je dirais que j’ai des références ou des périodes. Par exemple, j’ai plaisir à écouter la période 1969-71 des Beach Boys dont on vient de m’offrir le coffret de vinyles. Pour eux, par exemple, c’est justement cette période qui m’intéresse. Même chose pour les Beatles, les Stones ou les Kings. J’aime une période, pas forcément tout. Il y a un chanteur qui m’a beaucoup influencé à mes débuts, c’est Jonathan Richman qui est comme un Baden-Powell de la scène américaine. Il était le leader du groupe les Modern Lovers. Il m’a également influencé dans ma peinture. Comme Lou Reed en 1982. Jonathan Richman jouait avec une guitare à une corde. À cette époque, je n’avais rien. Il m’a montré que l’on pouvait faire avec les moyens du bord. C’est ce qui a fait l’esprit de la Figuration Libre.

La guitare est un des instruments que vous aimez beaucoup ?

Oui, j’ai d’ailleurs une collection de guitares. J’aime aussi l’objet. Une guitare est un objet extraordinaire. J’ai d’ailleurs peint et réalisé des guitares à ma façon. J’en joue mais je suis un autodidacte. Je ne connais pas la musique mais je suis surtout un percussionniste né ! Je joue un rythme avec mon index et mon majeur lorsque j’entends de la musique. Sans vraiment m’en rendre compte, je tape tout le temps sur tout ce qui est près de moi… (rire).

Et quen est-il de Robert Combas compositeur, notamment avec votre groupe les Sans Pattes ?

J’ai toujours aimé l’idée d’avoir un groupe. Au début de ma carrière, j’avais monté un groupe qui s’appelait « les Démodés ». A l’époque, on faisait tout avec rien (rires). Aujourd’hui c’est « les Sans Pattes », un duo avec Lucas Mancione. Nos compositions ne sont pas vraiment du rock, même si on y retrouve l’énergie. C’est plutôt une création globale mêlée à de l’électronique et comprenant des projections vidéo, une mise en images de tableaux projetés sur nos vêtements blancs et sur le fond de scène. On s’amuse vraiment car il y a une véritable mise en scène… Il y a aussi un côté music hall sur scène. Nous avons (après deux ans) refait un concert le 1er octobre à St-Etienne au Rhino Jazz(s) où il y a aussi l’exposition d’une sélection d’œuvres sur le thème de la musique. On s’y remet après cette période Covid même si elle n’est pas terminée…

« Les peintres sont en voie de disparition… L’histoire de l’art prend un nouveau virage »

« Pauvre Martin », acrylique sur toile, 1992

Comment justement avez-vous vécu cette période avec les confinements et différentes restrictions ?

Un peu comme tout le monde. C’était  compliqué mais pour mon épouse et moi, cette période nous a reconnectés à la nature. Nous avons quitté la vie parisienne et nous avons pris racine à Sète. Mais le confinement est une chose que je connais bien, c’est presque un état naturel pour les gens qui créent. Je n’ai pas eu besoin du Covid pour en connaître les sensations. Lorsque je crée, je peux m’enfermer durant une longue période. Durant ces périodes de confinement, j’ai réalisé cette série de portraits (NDLR : près de 150 au total) dont une partie est visible. Comme je l’indiquais auparavant, l’occasion de l’exposition sur deux lieux à Paris.

Il y a quelques temps vous déclariez : « dans ce monde qui nest pas « pourri » mais presque, jai essayé d’être pur dans la peinture, d’être vraiment honnête dans la manière de peindre »…

Oui j’ai pu dire cela à une époque bien qu’extrait du contexte de cette façon, ça peut paraître un peu prétentieux. Mais oui c’est clair, ça résume bien les choses… J’avoue que je suis un peu perdu dans ce monde aujourd’hui. La pression qu’exerce internet, la surinformation, les réseaux sociaux, etc. Je n’y comprends rien et je n’ai pas envie de comprendre… Malgré tout cela, le monde dans lequel on vit continue à m’inspirer… Et puis l’art contemporain aujourd’hui ce n’est plus la peinture, c’est autre chose… Je ne sais pas vraiment quoi… Mais les peintres sont en voie de disparition… L’histoire de l’art prend un nouveau virage. Je n’appartiens pas à ce monde, c’est clair. Ce n’est pas une critique mais je ne m’y retrouve pas. Parfois je me sens comme un dinosaure (rire).

« Jobserve, je minterroge, je teste et je reste ouvert à créer différemment… »

Et pourtant toutes vos sorties artistiques sont observées, attendues, analysées et constituent de véritables événements et attentes du public…

Ben oui, peut-être, je ne sais pas, je ne me rends pas toujours compte de tout cela. Tant mieux si des gens aiment mon travail. On va dire que je me défends (rire).

Pouvez-vous nous parler de vos collaborations artistiques, notamment celles, récentes avec Jean-Luc Parant ou Ben. Cest un exercice auquel vous aimez bien vous prêter ?

Ah les collaborations ce n’est jamais simple car il faut que chacun y trouve sa place… C’est la vie qui permet des rencontres. Il y a eu des photos faites avec Louis Jammes dans les années 80 et d’autres, il y a une dizaine d’années. Il y a eu le chemin de croix avec Ladislas Kijno qui était un homme extraordinaire. J’ai aimé ma collaboration avec Jean-Luc Parant et Ben. Nous avons fait des œuvres communes qui marqueront l’histoire artistique de chacun. L’art est important mais il y aussi l’humain. Il faut que ça accroche, et là, ce fût vraiment le cas. Jean-Luc Parant avait déjà écrit des textes sur moi par le passé. Il y avait intellectuellement des choses qui nous rapprochaient. Nos créations se sont faîtes tout naturellement, nos univers bien que différents se répondent l’un l’autre. C’est très intéressant ! Et puis les collaborations ne  se font pas toujours avec des artistes. J’aime aussi travailler sur des objets autres que la toile… J’ai pu faire notamment des pièces de mobilier en aluminium avec Jean-Claude Maillard qui est un industriel de l’aéronautique. J’observe, je m’interroge, je teste et reste donc ouvert à créer différemment. Finalement, j’ai orienté toute ma vie, pour revenir toujours et irrémédiablement vers ce côté libertaire au fond…

Robert Combas chantent Sète et Georges Brassens, du 8 octobre au 31 décembre au musée Paul Valéry à Sète.
Tél. 04 99 04 76 16. museepaulvalery-sete.fr

* Exposition « Le labyrinthe des têtes »
visible jusqu’au 23 octobre à la Galerie Laurent Strouk
2, av. Matignon et à l’Espace 5, rue du Mail fond de cours à Paris.
laurentstrouk.com

** Intégrale des titres originaux de Georges Brassens chez Universal.
Coffret 10 vinyles 30 cm (180 g). Édition Super Deluxe. Tirage limité et numéroté à 700 exemplaires.
Pochettes vinyles cartonnées 350g. Pochettes intérieures imprimées.
Plus de 30 œuvres de Robert Combas inspirées des chansons et 9 nouveaux portraits exclusifs de Georges Brassens.
Livret richement illustré avec de nombreuses photos, gravures et peintures.

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