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Entretien avec Laetitia Casta : « Le théâtre nous nourrit, nous ramène à la vie »

18 Oct 2021 | Hérault, Les interviews, Spectacles vivants, Théâtre

Les 19 et 20 octobre prochains, le Théâtre Jacques Coeur à Lattes accueillera la première de la pièce Clara Haskil, prélude et fugue. Mis en scène par Safy Nebbou, le texte est uniquement interprété par l’actrice Laetitia Casta. Seule sur les planches, la comédienne recrée l’univers de cette pianiste de génie du XXème siècle. Dans cet entretien, Laetitia Casta évoque ce rôle et les liens qu’elle a tissés, à travers le texte, avec Clara Haskil. Elle nous parle également de cinéma, de mannequinat et de son rapport au théâtre. 

La première de Clara Haskil. Prélude et fin aura lieu dans quelques jours, comment vous sentez-vous à l’approche de cette échéance ?

J’ai la tête plongée dans le travail, dans la pièce, dans la recherche. C’est un texte extrêmement exigeant et la mise en scène l’est aussi. Nous essayons de faire à chaque fois comme si le texte s’inventait à l’instant T. C’est-à-dire qu’à la fois c’est Clara Haskil qui parle, mais on essaie d’aller plus loin : c’est moi qui suis Clara Haskil et qui vit ce moment. Pour cet exercice, il faut être humble et chercher, chercher, chercher.

C’est la seconde fois que vous travaillez au théâtre avec Safy Nebbou (la première fois était en 2017 pour Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman), comment êtes-vous tombés d’accord pour travailler le texte de Serge Kribus ?

En fait, nous voulions repartir dans une aventure théâtrale ensemble. Safy m’avait proposé. un autre texte mais finalement, monter ce spectacle était très compliqué.  Et puis, il m’a parlé de l’idée d’un monologue, ce qui initialement ne serait pas venu de moi. Bien sûr, il fallait trouver la pièce. Nous nous sommes alors dit que si nous trouvions chacun de notre côté quelque chose d’intéressant, nous nous en parlerions.  Et puis, un jour j’étais dans une boutique, et une femme s’approche de moi et me dit qu’elle m’a vu dans la pièce Scène de la vie conjugale en 2017. On a alors sympathisé, puis elle m’a expliqué dit qu’elle travaillait dans une maison d’édition. Je lui ai alors demandé si elle ne pensait pas à un texte qui n’aurait pas été joué et que je pourrai interpréter. Je lui ai laissé le numéro de Safy Nebou en lui disant de le contacter si elle trouvait quelque chose. Et c’est elle qui a envoyé ce texte-là. Safy l’a lu puis m’a demandé de le lire et pour moi, ça a été…  Comment dire…  J’ai eu l’impression que ça parlait de moi.

« Il y a des points communs entre Clara Haskil et moi »

Justement, quels liens avez-vous découverts entre vous et Clara Haskil ? 

J’ai envie de vous dire qu’il y en a beaucoup ! Même si c’est une enfant prodige, une immense musicienne et que je n’ai rien à voir avec la musique. Mais sans parler de cette chose-là, il y a des points communs entre elle et moi. Sur le parcours de vie, sur la sensibilité, sur des choses qu’elle a vécues et que j’ai pu vivre. Il y a aussi une similitude de caractère, de construction de personne face aux évènements de la vie qui se sont produits, une structure d’âme semblable, en profondeur. C’est complètement fou !
Et puis, sa force face aux événements et tout ce qu’elle a dû traverser m’a beaucoup émue.  C’est incroyable, surtout, à cette époque, d’être une pianiste, de voyager seule, dans ce contexte-là…  C’est un parcours de femme incroyable.  Enfin,  il y a des connivences avec ce qu’on a vécu dernièrement. Chez elle, il y a des moments de doute. Chacun peut s’y retrouver. Rien n’est sûr, dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, tout est tellement contrôlé. Je trouve que cette pièce me ramène à la vie. Clara Haskil nous ramène à la vie. Il y a quelque chose qui se dédouble à la fois, d’extrêmement sombre et de solaire.

Dans cette pièce, vous interprétez donc Clara Haskil et vous êtes seule sur scène. Comment avez-vous préparé ce rôle ?

D’abord, j’ai lu, et j’ai vu des documentaires. Bien qu’il n’y en ait pas tant de choses que ça sur Clara Haskil, si ce n’est les enregistrements de musique. Donc j’ai regardé ce que je pouvais regarder sur Clara. Mais, comme je vous le dis, on ne la connaît pas tant que ça. Par ailleurs, l’idée de cette pièce n’est pas de faire un biopic. La carapace de ma personne, ou de la sienne, ça n’a vraiment pas d’importance. L’idée, ce n’est pas ça, c’est de donner un goût de l’âme, non pas un goût de la reproduction totale. Nous ce que l’on propose c’est de l’ordre de la sensibilité.

Ce sera la quatrième fois que l’on vous verra sur les planches. Qu’est-ce que vous apporte le théâtre que vous ne trouvez pas au cinéma ou sur les podiums ?

L’exigence du théâtre, c’est que tout se voit. Même s’il n’y a pas de gros plan, comme au cinéma, tout se voit, tout se ressent. Le travail aussi est différent. Ça demande du temps, une remise en question chaque soir. Et puis, il y a le public, on joue pour lui. J’ai envie de lui donner envie de revenir. Redonner l’envie de dire : « Ça fait du bien de voir des spectacles. C’est génial d’aller voir des pièces. » Le théâtre nous nourrit, nous ramène à la vie, et ça fait du bien ! J’ai envie que la salle soit pleine et j’ai envie de partager et de transmettre !

Le public vous connait aussi pour vos rôles au cinéma, dans quels films pourra-t-on vous voir prochainement ?

Il y en a plusieurs ! D’abord, il y a le film de Guillaume Canet, Lui, qui sortira le 27 octobre avec Virginie Efira, Mathieu Kassovitz, Nathalie Baye, Patrick Chesnais. Il y aura aussi le film de Louis Garrel, La Croisade d’après un scénario de jean-Claude Carrière, puis Selon la police de Frédéric Videau et enfin le film de Delphine Larissa, Au milieu de l’horizon.

Cette année, vous avez reçu la médaille de la Légion d’honneur. Quelle a été votre réaction quand vous avez appris la nouvelle ?

J’ai été surprise ! Mais c’est surtout autour de moi qu’il y a eu des réactions, j’ai vu que les gens qui m’aiment étaient très fières. Je crois que cette distinction fait vraiment plaisir aux personnes autour de soi. Je ne vous cache pas que mes parents ont eu une réaction complètement dingue ! J’ai pu faire d’autres choses qui étaient très difficiles et où ils n’ont jamais trop réagi mais là, c’était étonnant ! (Rire). Cela me rend heureuse, mais si j’arrive à faire un beau spectacle… Je crois que c’est cela qui compte vraiment !

« J’ai toujours cherché à avoir des terrains de jeu de plus en plus grand, c’est pour que ça que je fais du cinéma »

Vous avez commencé votre carrière avec le mannequinat, qu’est-ce que cela représente pour vous aujourd’hui ?

La passion est toujours là ! Quand les projets arrivent, je suis toujours émerveillée. J’ai toujours cet étonnement. Et avec le temps qui passe j’apprécie encore plus ces projets, rencontrer de nouvelles personnes.

Dans une précédente interview, vous avez déclaré que ce sont Jean-Paul Gaultier et Yves Saint-Laurent qui vous ont donné le goût du jeu d’acteur. Pouvez-vous nous expliquer ?

Jean-Paul, Gaultier, est l’un des premiers à avoir fait des castings sauvages. Donc, forcément, ce sont de fortes personnalités qui débarquaient dans les défilés et il faisait de véritables mises en scène. L’inventivité de Jean-Paul Gaultier, c’est son extravagance. Pendant les défilés, on avait l’impression d’interpréter un personnage. J’ai le souvenir d’un défilé où  Jean-Paul Gaultier avait mis des vraies douches. Moi j’avais un maillot de bain et il m’a dit : « Va prendre une douche devant les gens. » J’ai donc fait ce qu’il m’a demandé, mais, je n’ai vu personne d’autre le faire pendant le défilé ! Il n’y avait que moi ! (Rire). Je crois que c’est comme ça qu’on devient comédien : c’est quand vous êtes suffisamment fou pour faire ce qu’on vous demande ! (Rire) 
Et puis Yves Saint-Laurent, c’est pareil. Pour l’un de ses défilés, les filles avaient des numéros et je ne comprenais pas pourquoi moi, je n’en avais pas. Et Saint-Laurent m’a dit : « Toi, je veux que tu danses. Fais ce que tu veux. » En réalité, il m’a offert un énorme terrain de jeu et tout a commencé à partir de ce moment -là. Du fait que cet homme me fasse confiance et me laisse une telle liberté. Après, j’ai toujours cherché à avoir des terrains de jeu de plus en plus grand, c’est pour que ça que je fais du cinéma.

Votre père est Corse,  vous êtes donc liée à la Méditerranée, qu’est-ce que représente cette région pour vous ?

Il y a quand même un truc chez les Méditerranéens ! Il y a cette chaleur, et puis la simplicité… Dans la manière dont on s’aborde, dont on vit. Cette chose, elle est là, c’est comme ça…

Clara Haskil, prélude et fin, avec Laetitia Casta, mise en scène de Safy Nebbou. Mardi 19 et mercredi 20 octobre à 20h30 au Théâtre Jacques Coeur à Lattes.
Réservations : ville-lattes.fr et 04 99 52 95 00. 

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