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Au festival d’Avignon, l’émotion pure de « Saigon »

13 Juil 2017 | Festivals, Spectacles vivants, Théâtre

« C’est ainsi que se racontent les histoires au Vietnam : avec beaucoup de larmes. » C’est la dernière phrase de l’émouvant « Saigon » mis en scène par Caroline Guiela Nguyen, salué par une standing ovation qui libère les applaudissements et les larmes des spectateurs. Un accueil des plus justifiés par la réussite de ce spectacle qui fait penser à un « In the mood for love », film de Wong Kar-Wai, transposé au théâtre par cette fille de Vietnamiens émigrés en France. La référence cinématographique s’impose également en raison du procédé de flash-back permanent qui épouse les méandres de la mémoire pour balader le public entre le Vietnam de 1956, année où l’ancienne colonie d’Indochine acquiert son indépendance, et la France de 1996, au moment où les exilés vietnamiens sont autorisés à retourner dans leur pays d’origine.

Caroline Guiela Nguyen et son équipe se sont rendus plusieurs fois à Ho Chi Minh-Ville, d’abord pour y recueillir des témoignages, des souvenirs et des histoires, ensuite pour y recruter des traducteurs et des comédiens. Moins connue que d’autres colonisations françaises, celle du Vietnam n’en comporte pas moins son lot de drames, de déchirures, d’amours perdues, de non-dits traumatisants qui perdurent dans la mémoire des enfants de l’exil.

Le décor de « Saigon » est celui d’un restaurant vietnamien, avec son charme kitsch, où sévit un personnage extraordinaire, celui de Marie-Antoinette interprété par Anh Tran Nghia, diva familiale dont la
gestuelle et les interventions régalent les spectateurs.
Marie-Antoinette veille sur les fourneaux en même temps que sur les relations d’un groupe de personnes rassemblant un échantillonnage représentatif de l’émigration vietnamienne. On y trouve le jeune
Antoine, enfant métis d’une mère dont la mémoire flanche, puis l’un de ses vieux amis qui s’apprête à retourner au pays. Autour d’eux, au gré des allers-retours de l’action, une gamme colorée de personnages qui expriment les différentes mémoires d’exil de la communauté vietnamienne,
leurs joies, leurs douleurs, leur amour de la vie et leur capacité à la célébrer.
« Saigon » nous emporte dans un flot humain qui brasse les identités, morcèle les mémoires puis en restitue la délicate mosaïque. Et fait surtout entendre, sous la cendre, un coeur qui bat toujours, malgré les épreuves, vaillant et généreux, pour qui le souvenir, même le plus douloureux, est un acte d’amour.
Luis Armengol

Saïgon, de Caroline Guiela Nguyen au Gymnase du lycée Aubanel à Avignon à 17 heures jusqu’au 14 juillet.

 

CatégoriesFestivals | Spectacles vivants | Théâtre

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