Chaque nouvelle exposition de la Fondation Van Gogh révèle une de ses œuvres, moins connue du grand public, en l’occurrence, Les Arbres de 1887, débonnaires et hospitaliers. Elle sert de prétexte à présenter bon nombre d’œuvres d’artistes contemporains en correspondance avec les thèmes du grand précurseur, maudit de son vivant, encensé depuis sa disparition prématurée.
Pour cette exposition d’hiver, c’est la relation à la nature qui a été mise en exergue, le rapport direct avec le vivant ayant joué un rôle essentiel dans la conception de la peinture du peintre, tout comme chez certains des artistes internationaux les plus prestigieux : Rauschenberg (maître incontesté du combine art, mis en vis-à-vis avec une plaque d’alu rehaussée à l’acrylique où se devinent tournesol et barbelés), Luigi Zuccheri (illustrateur animalier italien, héritier de Chirico ou de Savinio) ou notre figuratif Gilles Aillaud (avec une Fosse à lionne, un phoque en captivité, un ours prisonnier…). Le parcours est toujours méticuleusement réfléchi, à la Fondation. L’œuvre, sculpturale, de Valentin Carron, « Kid ans dog », nous attend dès l’entrée, d’autant que l’artiste a pris soin de respecter les proportions respectives et de distinguer le noir animal du blanc petit homme, plus ébauché que complet, dans un style pop brut qui ne manque pas d’intérêt (ainsi que sa tête de bois géante, en laquelle s’adonner au repos méditatif).
Suivent les tableaux hallucinants de Shara Hughes, renouvelant notre vision du paysage à l’instar de ces tiges de probables tournesols, plus légers, plus naïfs que les fameux – que certains saccagent aujourd’hui. Ses toiles éclatantes partagent la salle avec les animaux surdimensionnés de Zuccheri, et préparent le terrain à la poupée aux bonbons, victime d’un probable drame, de la chorégraphe Gisèle Vienne, plein de mystère. Un peu plus loin, le film d’Ed Atkins ajoutant son et couleur au cinéma muet des quartiers de misère, un vieil homme offrant du saucisson à une jeune maman abandonnée. Comme quoi la nature humaine connaît l’empathie. Ed Atkins peint aussi une chaussure et un pied, hyperréaliste, en référence à la condition humaine et aux souliers de Van Gogh. Jochen Lambert nous livre en poésie sa cueillette d’images à partir de détails divers, sur papier de différents formats (car la nature est diverse), en noir et blanc, sur le thème de l’arbre, précisément. Pour clore cet étage, la vidéo de la Chinoise Yuyan Wang, laquelle recycle des images qui finissent par devenir de véritables forêts dans lesquelles on s’immerge, ou un déferlement qui s’apparente au rêve nocturne, sauf que les images renvoient à des réalités de notre temps.
À l’étage, c’est un véritable feu d’artifice de révélations ou confirmations : nous sommes accueillis par divers volumes du Roumain Olah Gyarfas qui sait l’art d’accommoder des tissus en d’improbables hybrides. Il en constitue des ânes de foin mis en sacs, ou des divinités Inuits, ou encore des compositions fagotées dans un esprit de bienveillance envers des traditions vernaculaires ou des créatures malmenées. La Nigériane, adoptée par la Belgique, Otobong NKanga, recourt aussi bien au tapis qu’à la tapisserie. Dans le premier, elle associe en relief des éléments apparemment incompatibles dont les rapprochements font sens : une corde, un verre de Murano en forme d’alambic, un morceau de bois récupéré et peint… Dans le second, elle met en exergue un réseau de tondo photographiques, en noir et blanc restituant la mémoire perdue d’une mine namibienne, avec des personnages tronqués sur fond de cartes abyssales.
On entre ensuite dans une pièce très dépouillée où nous attendent d’étranges vitraux numériques, bleu ciel, de forme ogivale de la Suissesse Pamela Rozenkranz. La représentation du naturel se fait artificielle grâce au technologique. Enfin, le bouquet final qui résume assez bien l’ambition de cette expo : une branche de hêtre, à mi-parcours entre plafond et sol, de l’Ibéro-Brésilien Daniel Steegmann Mangrané, célèbre pour ses vivariums où dénicher un discret fantôme (en grec phasme). Toutes les nationalités sont représentées et tous les genres aussi. Il est évident que notre relation à la nature a considérablement évolué depuis l’époque où Vincent s’installait à Arles. Au point que l’on puisse s’interroger sur les possibilités d’évolution de la nature humaine. Cette exposition prétend juste donner un aperçu de la façon dont les artistes de notre temps, et quelques illustres prédécesseurs ont, non pas fourni des réponses, mais illustré la question. Toutes ces œuvres résonnent comme en écho irradiant autour de celle de Van Gogh, qui demeure la référence de base continue.
BTN
Plus d’informations : fondation-vincentvangogh-arles.org