« Nous défendons cette candidature avec passion et détermination »
Nîmes démontre comment une ville avec un patrimoine aussi riche veut continuer de se développer harmonieusement. C’est cette vision qu’expose ici avec conviction son maire Jean-Paul Fournier.
Quel est à votre avis la place du patrimoine dans le développement économique local et peut-on évaluer son impact social ?
L’atout de Nîmes face aux enjeux économiques actuels repose en majeure partie sur son patrimoine, conçu comme un vecteur d’attractivité puissant en matière touristique, avec des retombées importantes en termes d’hôtellerie, de restauration et de commerces de proximité. Il y a une recherche de sens, de re-contextualisation des hommes dans leur histoire, à laquelle répond pleinement Nîmes.
Avoir des monuments, c’est bien mais encore faut-il les intégrer dans un ensemble esthétique cohérent, moderne et accueillant. C’est une vision de longue haleine et il s’agit d’une priorité pour l’équipe municipale avec par exemple la rénovation du secteur sauvegardé.
L’Ecusson Nîmois est aujourd’hui l’un des plus beaux de France et l’un des mieux entretenus, avec plus de 60% de façades rénovées (d’ici 2020 le périmètre de sauvegarde sera d‘ailleurs étendu). Nous avons également travaillé à la rénovation des monuments romains, un chantier très encadré par les services de l’Etat : après celle de la Maison Carrée, celle de l’amphithéâtre est en cours. C’est une réussite, leur fréquentation ne cesse de se développer, et les grands Jeux Romains constituent le plus grand spectacle de reconstitution antique du monde. Enfin nous avons rénové le centre-ville, le tour des boulevards, les places, pour embellir la cité et la rendre encore plus accueillante. L’ouverture du Musée de la Romanité, et je l’espère l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, vont donner un formidable coup d’accélérateur en 2018. Quant à l’impact social, c’est simple : ce dynamisme touristique induit une dynamique économique qui rejaillit sur l’ensemble des secteurs en termes d’emploi : bâtiment, hôtellerie, tourisme, restauration et l’ensemble de leurs fournisseurs.
Vous avez toujours cru à cette candidature à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco ?
Bien entendu, les atouts de Nîmes sont nombreux et les interventions des scientifiques, historiens et spécialistes lors de la soirée de présentation de la candidature de la Ville au Patrimoine Mondial de l’Unesco n’ont cessé de le rappeler.
Depuis 2011, la Ville de Nîmes élabore avec ses services et avec l’aide de l’Etat son dossier de candidature ; depuis le 30 janvier dernier et son dépôt officiel au nom de l’Etat par l’Ambassadeur de France auprès de l’UNESCO, la candidature de Nîmes à l’inscription sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO a été jugée complète par la Directrice du Centre du Patrimoine Mondial, autorisant ainsi le traitement du dossier par l’ICOMOS (Conseil International des Monuments et des Sites), lequel va désormais procéder à la constitution d’une mission d’évaluation du site nîmois. Avec Mary Bourgade, adjointe déléguée au Tourisme et à la promotion touristique du Patrimoine, nous défendons cette candidature singulière et unique au monde, avec passion et détermination.
Une telle candidature réclame forcément de fédérer un maximum d’énergies autour de soi. Quels moyens vous êtes-vous donnés et vous donnez-vous encore pour convaincre le plus largement possible ?
La Ville a créé un site dédié en 2016, qui présente la candidature de manière pédagogique avec des arguments scientifiques synthétisés et sur lequel nous capitalisons déjà près de 30.000 soutiens. De nombreuses personnalités et de Nîmois nous soutiennent et jouent le rôle d’ambassadeurs connus comme Philippe Caubère, Agnès Varda, Jean d’Ormesson, Marc Fumaroli – Historien, membre de l’Académie française, Arnaud d’Hauterives – Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, Sandrine Bonnaire, Patrice Lecomte, Irène Frain… ou encore les Maires de villes jumelles, dont plusieurs sont déjà classées, avec lesquelles nous avons établi des conventions d’échanges culturels.
Nous faisons la promotion de notre candidature lors de tous les grands évènements majeurs mais aussi dans tous les secteurs de la Ville auprès des Conseils de quartiers. D’une manière générale, on le voit sur les réseaux sociaux, les Nîmois sont fiers de cette candidature et de leur ville car leur attachement au patrimoine est au cœur de leur identité. Ce sujet est pleinement consensuel, et nous allons désormais mobiliser les commerçants et les responsables culturels afin de recueillir leurs soutiens et leurs implications.
Réalisée il y a quelques années par l’agence régionale du patrimoine de la région PACA pour le ministère de la Culture, une étude nationale des retombées économiques et sociales du patrimoine montre que 1 € investi dans le patrimoine génère de 28 à 31 € de retombées économiques. Cela vous semble-t-il conforme à vos prévisions et que peut attendre la ville de Nîmes, en termes de retombées économiques, d’un classement au Patrimoine mondial de l’Unesco ?
Nous ne disposons pas d’étude économique précise pour l’instant mais nous avons le retour d’expérience de villes comme Albi ou Bordeaux, où l’inscription a littéralement contribué au fort développement de la fréquentation (+ 50%). Notre objectif, raisonnable, se situe à 30% les premières années, il faut s’attendre ensuite à un léger tassement mais Nîmes a le potentiel de faire – beaucoup plus, grâce à l’ouverture du musée de la Romanité, déjà inscrit chez les tours opérators. Ces deux événements conjoints vont avoir un formidable impact sur l’attractivité touristique de la Ville. Nous allons l’amplifier avec l’ouverture future d’un Palais des Congrès à proximité du Musée de la Romanité.
L’ouverture du Musée de la Romanité sera en 2018 une date essentielle de l’histoire culturelle nîmoise. Que ressent l’élu que vous êtes face à ce proche événement ?
De la fierté, parce que j’aime passionnément ma ville et qu’elle méritait cette ambition. Le MUCEM à Marseille, Confluence à Lyon, la grotte Chauvet connaissent des affluences extraordinaires depuis leur ouverture. Je veux la même chose à Nîmes. Je ressens aussi beaucoup de satisfaction car ce projet, très contesté au départ par de nombreux politiques (et quelques « réboussiers »), fait aujourd’hui consensus. Nous avons réussi à convaincre, à partager notre vision des choses. Il a fallu du temps, mais chacun y voit désormais l’intérêt majeur que cela représente pour le territoire.
On oppose parfois le patrimoine et le spectacle vivant et l’on a vite fait d’accuser les élus de favoriser l’un des deux au détriment de l’autre, qu’en pensez-vous ?
Notre volonté est justement de concilier les deux, car le patrimoine à Nîmes est vivant, et c’est sa singularité avec notamment des spectacles vivants dans un amphithéâtre bimillénaire.
Notre municipalité harmonise son offre culturelle autour de son patrimoine. Carré d’Art par exemple fait partie de ce patrimoine, par son architecture en dialogue avec la Maison carrée, et c’est un haut lieu de culture, un centre d’art contemporain. C’est la même ambition avec les musiques actuelles avec la création de la Smac Paloma, aujourd’hui reconnue comme une des plus avant-gardistes de France. Et concernant le théâtre, nous maintenons notre offre auprès du public, avec deux scènes de qualité, le Théâtre de Nîmes et le théâtre Christian Liger. La culture représente ainsi le troisième poste du budget de la Ville.
Comment imaginez-vous le Nîmes de demain ?
Une ville moderne, pleine de visiteurs émerveillés et de Nîmois fiers de leur ville. D’avantage d’emplois et de formations dans le tourisme.
Mais quel que soit le futur dans lequel on se projette, Nîmes sera toujours le reflet de « l’Antiquité au présent », avec les Arènes, la Maison Carrée, la tour Magne, en résonnance architecturale demain dans l’Ecusson avec le Carré d’Art et le Musée de la Romanité.
La Ville, son patrimoine et son histoire mettent en perspective des enjeux contemporains de développement urbain qui dépassent nos frontières. Nîmes démontre comment une ville, avec un héritage aussi riche, peut, parce qu’elle le doit et le veut, continuer de se développer harmonieusement. Ceci dans la pleine reconnaissance du patrimoine et de sa valeur universelle exceptionnelle que nous devons transmettre aux générations futures et partager avec le monde entier.
Recueillis par Luis Armengol