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Arles : Fondation Van Gogh jusqu’au 22 octobre

21 Juil 2023 | Art & Expos, Bouches-du-Rhône, Expos

Pas évident d’associer cinq tableaux d’un peintre célibataire de génie, un bienfaiteur paradoxal de la ville d’Arles, aux œuvres abstraites de 85 artistes de renom, et de sexe féminin. Seul parmi toutes, Van Gogh se rapproche pourtant d’elles en raison des préjugés dont il a été, lui aussi, victime et qui ont sans doute précipité sa disparition prématurée. Et que ce diable d’homme aurait enfanté, à son insu, le mouvement et les gestes dont bien des créatrices se réclament quelques décennies plus tard.

Les cinq œuvres du Maître d’Arles s’avèrent discrètes (trois régionales, Saint-Rémy -de-Provence et Arles, une étonnamment sous la neige). L’artiste ne s’exprimait guère en grand format. On passera outre la disparité, et l’on se dira que l’enjeu en valait la chandelle et que les productions de certaines œuvres au féminin, minimisées par l’histoire de l’art, justifiaient qu’on leur accordât une juste revanche sur leurs homologues masculins en général. D’autant qu’il ne viendrait à l’idée de personne de contester l’importance et l’intérêt d’une Vieira da Silva dans ses gestes cursifs et sa tendance à la saturation, d’une Helen Frankenthaler dans sa science du Color field, ou à la lyrique Joan Mitchell, toutes fers de lance de cette exposition Action, Geste, Peinture ; tout comme Judith Reigl et Lee Krasner. Or ces arbres ont caché la forêt et, à côté de celles qui se sont malgré tout imposées, bien des travaux ont été laissés pour compte, par les instances dominant le milieu de l’art de leur époque et de leur pays. C’est là que cette exposition prend toute sa place et tend à ouvrir quelques perspectives, en tout cas pour un certain public, pas toujours informé. Elle tend en outre à réviser quelques idées reçues : Janet Sobel a sans doute pu exercer une certaine influence sur Jackson Pollock, ce dont témoignent les deux toiles exposées (Mais elle-même n’a-t-elle pas bien observé les surréalistes exilés ?). On découvre une huile de Marie Raymond, pratiquement la seule « vraie » française de l’expo, dans des harmonies de bleu qui peuvent faire penser que son célèbre fils, Yves Klein, n’a sans doute pas été insensible, dans sa formation, au talent de sa mère. Bref, on peut toujours s’amuser à titiller les vérités universitaires. Les Américaines sont très représentées, d’autant que l’Action painting, l’abstraction lyrique, le Color field, émanent surtout des USA. On ne peut pas ne pas citer Betty Parsons et son rôle crucial dans la reconnaissance mondiale de ces émergences… Une impression de puissance se dégage des toiles de Deborah Remington. Inversement, on est séduit par l’élégance d’une Pat Passlof. On peut être surpris par la gestualité d’Elaine de Kooning (The bull). La rigoureuse fraîcheur d’une Yvonne Thomas rappelle une ancienne période d’un de nos meilleurs peintres nîmois… La Canadienne Miriam Schapiro, avec son Idyll, est bien à la hauteur de sa réputation d’énergie pure et de liberté suggestive, tout comme l’inventive Mary Abbott. Or bien d’autres pays sont représentés, certains que l’on n’attendait pas, ni dans la postérité de Van Gogh ni dans un rapprochement avec l’expressionnisme abstrait. Les échanges et promotions tendirent en effet à s’internationaliser durant la période choisie (40-70). On revisite ainsi l’exubérance colorée d’une Gillian Ayres (Grande-Bretagne). Ou les huiles fluides de l’Autrichienne Maria Lassnig, explorant les ressources de la couleur. La Danoise Elna Fonnesbech-Sandberg nous rapproche de Cobra. Les calligrammes de la polonaise Francizka Themerson anticipent sur l’œuvre de notre Valère Novarina. Et puis, on a les représentantes de pays pour qui la peinture au féminin n’allait pas de soi : l’Iranienne Behjat Sadr étonne par ses audaces gestuelles, sur toile ou sur bois. Les œuvres de la Colombienne Fanny Sanín cloisonnent la couleur de manière souple, mais déterminée. Étonnantes et foisonnantes contributions également de la Coréenne Wook-kyung Choi. On peut être surpris par les all over généreux, à la poudre de marbre, de la Japonaise Aiko Miyawaki. Tout dépend des goûts et chacun y découvrira ce qu’il y cherche, selon ses critères et ses valeurs, masculin(e)s ou pas. La présence de Niki de Saint Phalle étonne, mais c’est la Niki des tirs à la carabine, dans le geste et l’action sur la peinture. Celle de la Libanaise Etel Adnan un peu moins étant donné sa révélation tardive et son récent décès. La danse est représentée par les meilleures (Trisha Brown, Martha Graham…), la performance solitaire, en vidéo par Ana Mandieta (cf. La Panacée), Yayoi Kusama, ou la Japonaise Atsuko Tanaka (Gutai) ; et pour les photos par l’audacieuse Carolee Schneemann. Ajoutons pour terminer que les commissaires ont tout fait pour que cette exposition, malgré la pléthore d’œuvres présentées, n’égare pas le visiteur sous l’abondance des sollicitations et références. Ainsi a-t-on affaire à des ensembles cohérents (générationnel, géographique, thématique…) au fil des salles. Par ailleurs, des triades didactiques se superposent et font écho au titre : Environnement, Nature, Perception… Existence, Expression, Empathie, ou encore Performance, Geste, Rythme. Une visite qui laisse à méditer sur l’histoire et ses choix sélectifs.

BTN

Plus d’informations : fondation-vincentvangogh-arles.org

 

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