On a pu en découvrir quelques aperçus du côté de Sète : la pas si ancienne collaboration entre le boulimique sculpteur de boules que fut Jean-Luc Parant et le créateur incessant d’images en peinture que demeure Robert Combas, fut particulièrement féconde. Les deux semblaient voués à se rencontrer, d’autant que Jean-Luc, dans sa pratique, n’a jamais cherché à développer sa veine de coloriste ni même de peintre, Robert n’était que fort peu attiré par l’art du volume dans sa production essentiellement iconique. On peut ainsi dire que les deux se complétaient. Ils ont donc réalisé, le confinement aidant, bon nombre de pièces communes, exemple assez rare de deux artistes reconnus œuvrant à quatre mains ou, mieux, à quatre « zieux » (pour parler comme Queneau). Complicité évidente malheureusement interrompue par le décès brutal, l’été dernier, du premier. Il nous reste néanmoins leurs œuvres conjointes, et bien sûr a fortiori spécifiques. Ce duo créatif est à l’honneur d’une exposition à la Chapelle du Méjan à Arles, jusqu’au 4 juin.
Moins d’une génération les séparait, Parant a connu, quand il démarrait sa carrière, la reconnaissance de l’art brut, le début des outsiders, mais aussi le succès des pratiques sérielles qu’il allait adopter d’instinct ; Combas fait partie des artistes qui ont renouvelé la peinture en France dans les années 1980, et que Ben a qualifiée de Figuration libre (comme on parlait auparavant de figuration narrative, alternative à la suprématie de l’abstrait), tournant le dos ainsi à l’art minimal, conceptuel et à Supports-Surfaces. Les deux artistes se rapprochaient, on l’a vu, d’abord par une même nécessité irrépressible de créer sans cesse de nouvelles images ou de nouvelles formes, ensuite par la pratique commune du texte (qui se fait carrément œuvre littéraire chez Parant), et enfin par quelque chose de frais, d’enfantin, de spontané, d’éternellement jeune au fond, une volonté de s’exprimer en toute liberté, a fortiori quand la camaraderie vous y pousse. Au demeurant, si l’on suit Kristell Loquet, la compagne de Jean-Luc, il semble qu’il y ait chez eux comme une sainte horreur du vide, et donc une volonté de faire le plein, par la matière ou les images. Quitte à, vivre une vie pour rien autant la remplir d’un maximum de choses…
Parant et la Chapelle du Méjan (à deux pas des Editions Actes Sud, qui ont publié un somptueux catalogue A quatre zieux), c’est une histoire ancienne, à l’époque avec Titi et ses hymnes à l’amour, en 2007 exactement. Aujourd’hui, la nouvelle exposition se déploie sur deux étages et fait intervenir l’ami Combas. Parant, ce sont avant tout des boules de cire noire qui s’ourlent pour laisser place à de petites ouvertures, autant dire des milliers d’yeux. Elles sont de toutes tailles, de la plus minuscule à la plus imposante et, au fils du temps, se sont fait installation, éboulement, souvent compliquées d’objets, d’animaux surtout. Parant, ce sont également des œuvres plates comme un livre, où d’ailleurs, il inclut de ces textes comme on n’en fait plus et comme lui seul savait les concevoir : une improvisation permanente autour de ses thèmes de prédilection : les mains, les yeux et le monde tout autour, qu’il parvenait à faire entrer dans un livre. Ce sont également des tableaux, des œuvres murales où interviennent d’étranges créatures, souvent sur papier, dérivées du monde réel, essentiellement animal.
Avec Combas, multiples furent les attaques, que l’on découvrira à l’étage du Méjan : interventions sur boules, collaborations coquines à l’encre de Chine, pièges à poulpe, plats à ravioli, dessins de Robert rehaussés par Jean-Luc, ou l’inverse, interventions sur textes et boules, la cagoule qui rime avec boule, la chimère qui métaphorise ces conjonctions ponctuelles… Les yeux ouverts, les yeux fermés… Les oiseaux, les bestiaux, les poissons… À chaque fois l’osmose est parfaite. C’est que les deux sont adeptes du « all over ». Comme Don Juan, il leur faut perpétuellement d’autres mondes pour y étendre leur conquête picturale, matérielle et textuelle. Encore n’évoquai-je point les œuvres spécifiques de l’un et de l’autre, amenées à se répondre dans l’espace du lieu, au rez-de-chaussée où les deux amis se mêleront sans se confondre. Ainsi découvrira-t-on leurs œuvres spécifiques avant d’apprécier les fruits de leur fructueuse et amicale collaboration à l’étage, j’allais dire re-création. Récréation.
BTN
Plus d’informations : lemejan.com