C’est une bonne nouvelle. La femme d’action qu’est Clémence Boisanté ouvre enfin une nouvelle galerie (24, rue Alexandre Cabanel) en plein centre-ville. Avec l’intention de confirmer ses goûts esthétiques, qui la portent vers la peinture figurative, et aussi vers la conscience que certains problèmes ne peuvent plus être niés, et qu’ils sont revendiqués en premier chef par les créateurs.
La nature, le vivant, le paysage sont donc au cœur de ce choix de huit artistes et de la première exposition. Et également le respect des métiers d’art, des gestes ancestraux, des technologies ayant fait leur preuve. Le panel retenu pour l’ouverture du lieu, jusqu’au 6 janvier, mêle allégrement les générations puisqu’on y trouve celui que l’on attendait moins, Daniel Dezeuze, plus connu pour ses recherches formelles autour du support que pour ses explorations graphiques, en particulier quand il se penche, de manière cursive, nerveuse, labile et cependant scrupuleuse, sur La vie amoureuse des plantes. Ou Pierre Schwartz, dont les photographies, très picturales, nous plongent dans les profondeurs d’un pommier gelé, entre autres végétations sublimées, en couleurs s’entend.
À la recherche de sérénité, et avec des effets de rythme qui peuvent rappeler l’élégance raffinée d’un Hartung. Au cœur du vivant. Aimons-nous vivants est, en effet, le titre de cette première salve. Le paysage est ainsi sollicité. En tant qu’il nécessite des prises de position émanant de pays sages et d’êtres censés. Un peu plus jeune, nous avons Carole Benzaken, qui emprunte des éléments du réel et les restitue déformés ou flous en peinture. En l’occurrence, dans sa Parousia, un fond végétal contrarié au premier plan par des signes et déchirures qui renvoient au thème mystique. Benjamin Défossez n’est plus un inconnu. On l’a aperçu dans Immortelle et c’est sans doute l’artiste sélectionné le plus marqué par le genre du paysage, qu’il aime nocturne. Car comme le soulignait Aloysius Bertrand, la Nuit a ses mystères et que c’est ce mystère-là qui l’intéresse. Il fascine, en effet, depuis des millénaires. Un cycliste sur une route déserte, un jardin zen, une baigneuse, un orang-outang, une dormeuse et un cygne, un simple tronc d’arbre, un théâtre au clair de lune, un peintre noctambule en plein air, et voilà l’imagination démarrée, comme disait Rimbaud. Et ce sur petits formats, sur bois, au vernis.
Même génération, autre artiste confirmée, Ursula Caruel, sa fascination botanique pour la croissance des plantes et des grains. Elle recourt au tambour à broder, activité féminine, artisanale et plus proche de la nature dans sa Petite forêt intime, quand elle ne rend pas hommage au Canneberge du Jardin des Plantes tout proche. À l’encre et fil sur papier. Légèreté et raffinement. Sofia Hijos travaille la céramique et compose des bouquets de cactées posées au sol comme en voie de re-conquête symbolique. Encore plus jeune, Claude Como fait proliférer le long des murs de petites compositions de laine « touffetée » (tufting) d’une élégance décorative et cursive. Quant à Alice Gautier, elle nous plonge, à la gouache et à l’aquarelle, dans des rêves enfantins de lévitation, où une petite maison est constellée d’étoiles anthropomorphes, où voir l’horizon suppose que l’on ferme les yeux et où l’on songe à Dissoudre les pierres, trop pesantes. Comme une réconciliation de l’humain et du naturel…
BTN
Plus d’informations : boisante.art