Bois, acier ou plomb (métal), résine… Tels sont les trois matériaux principaux qui désignent ce sculpteur associé à Supports-Surfaces, originaire du Gard, prématurément disparu au début du siècle et qui méritait bien une rétrospective, Morceaux d’une chose possible. Pour commencer l’année, c’est donc à Toni Grand que le musée Fabre consacre ses salles d’expositions temporaires pour une grande rétrospective à découvrir du 20 janvier au 5 mai.
À ces trois matériaux, il convient d’ajouter la pierre et les plus inattendus ossements ou poissons, congres et anguilles au formol. Le bois, il le décline en colonnes, en pièces tranchées semblant émerger des plinthes, ou en ligne courbe fermée, parfois en ligne serpentine. Le bois flotté rampe au sol. Les titres, au tout début, désignent le processus : sec équarri abouté ligne courbe. Le champ d’investigation de la forme semble infini. Le geste est minimal : fendu, scié, équarri… mais l’intervention humaine nous éloigne de la neutralité de l’art minimal pour rejoindre l’artisanat. Moins le concept que la vie.
La peinture, en noir ou aux couleurs, est également fréquente. Toni Grand cherchait la simplicité de la forme, celle du geste qui la produit, en accord avec les possibilités autorisées par le matériau. Le métal, on a pu le voir à Salses ou à St -Trophime (Arles) : 20 éléments de plomb superposés en demi-cercle, s’ouvrant à l’espace d’un côté, mais marquant la résistance à l’assaut de l’autre. De petites pièces d’acier découpé et forgé, posées au sol, combinaison de plaques et de barres tordues, prennent l’allure d’énormes insectes.
Enfin, la résine, matériau synthétique qui enveloppe et contient la pierre, les os, les poissons et leur donne forme transparente. Comme si un corps laissait voir le squelette. On ne compte plus les formes expérimentées, des plus sobres aux plus fantasques, les plus notables prenant la forme approximative d’un cube ajouré, aux attaches fines, pied de nez à la radicalité minimale, ou encore celles d’épingles à cheveux géantes, la courbure étant favorisée par le recours à la mollesse du poisson, rehaussées d’aluminium et se glissant le long des murs. Car Toni Grand utilisait tous les points de l’espace, le sol évidemment, le mur grâce à des sculptures murales, mais aussi le long du mur, en équilibre ou carrément le long des plinthes.
Le poisson impose sa configuration : elle se prête à la multiplication dans différentes directions et peut même se conjuguer au bois ou au métal. Certaines œuvres prennent la forme de bobines, d’autres de plateaux, accumulés dans l’espace, ou associés ainsi qu’il l’avait fait autrefois grâce à des assemblages de tréteaux. Parfois, il recourt à des racines, énormes, dont il pérennise la forme. Salses s’en souvient. Un cheval majeur est constitué d’os dans une gaine informelle de polyester stratifié, matière à laquelle il recourt abondamment. Bois, métal, résine : l’évolution est facile à résumer : le bois vient de la nature, le métal de l’industrie, la résine synthétique des miracles de la chimie.
On retrouve ces trois périodes du cursus de Toni Grand, dans cette rétrospective qui nous enchante, car elle prouve si besoin était une fois encore, que la région aura pullulé d’artistes de renom, à l’inventivité assurée. Le musée Fabre est en train de faire mentir l’adage : nul n’est prophète en son pays. Malheureusement Toni Grand n’est plus là pour s’en satisfaire. Il reste ceux qui l’ont connu et apprécié ou aimé de son vivant.
BTN
Plus d’informations : museefabre.fr