Entretien avec le compositeur Pierre Sauvageot, au sujet de « Grand ensemble », dialogue entre un immeuble et un orchestre symphonique, une création musicale de Pierre Sauvageot, Lieux publics & Cie.
Dialogue entre un orchestre symphonique et un immeuble !
Pensé, conçu et spatialisé autour de la présence d’un orchestre symphonique, l’Orap dirigé par Samuel Jean, en réponse à un immeuble d’habitation et son architecture, Grand Ensemble offre le foisonnement sonore de ce lieu de vie et de ses habitants. Entretien avec son compositeur, Pierre Sauvageot.
Pierre Sauvageot, vous dirigez Lieux publics, centre national et pôle européen de production à Marseille. Quelle est la démarche de cette structure ?
Lieux publics est une pépinière où les artistes, de Marseille, de France et d’Europe, inventent un nouveau langage artistique dédié à l’espace public. Comment le contexte fait partie de l’œuvre, comment les spectateurs sont parties prenantes de l’œuvre, comment l’espace ou la paysage interfèrent. Et donc une dimension locale, avec des programmations dans Marseille, des quartiers Nord au centre-ville, et un volet européen car la question de la transformation urbaine est européenne par nature.
« Avec ses bruits et ses habitants »
Le concert Grand Ensemble va être donné par l’ORAP au cœur d’un quartier populaire d’Avignon, La Barbière. Quel est le sens que vous donnez à cette initiative ?
Grand ensemble est un dialogue entre un orchestre symphonique et un immeuble, avec ses bruits et ses habitants. Le fait de jouer à la Barbière a été un choix radical. Pour créer une émotion, il faut une tension, comme pour fabriquer de l’électricité. Cette tension vient d’une mise en relation de deux mondes a priori éloigné, l’orchestre symphonique avec ce qu’il véhicule comme pouvoir de tradition et comme langage d’excellence, et une cité pauvre des faubourgs d’Avignon, avec sa vitalité et sa réalité.
Comment avez-vous adapté le matériau musical de Grand Ensemble à ce cadre inhabituel ?
L’adaptation passe par un grand nombre d’entretiens menés auparavant, entretiens dont certains éléments vont faire parties de l’œuvre. Le Grand Ensemble avignonnais sera unique, réécris en partie en fonction du site, de ses spécificités, et de la qualité des rencontres avec les habitants.
« C’est l’œuvre elle-même qui fait médiation »
Un travail de médiation culturelle est-il nécessaire pour que la rencontre ait vraiment lieu entre les habitants, un orchestre symphonique et une œuvre musicale ?
Le terme de médiation culturelle n’est pas forcément approprié. Il ne s’agit d’une œuvre qui demanderait à être expliquée en avance, c’est l’œuvre elle-même qui fait médiation, elle sort des fenêtres de l’immeuble, elle nous fait entendre l’intérieur des appartements.
Grand Ensemble préfigure-t-il de nouvelles relations entre l’artiste et la ville, entre l’art et la population ?
Difficile pour moi de répondre pour d’autres. Il y a 15 ans déjà, j’ai créé un Concert de public, 4 chefs d’orchestre, 1000 personnes, et une composition utilisant tout ce qu’un public, sans répétition, peut générer comme matière musicale : froissement de feuilles, claquement de mains, slogans, sifflets, jouets… De manière générale, le spectacle vivant, face à la concurrence exceptionnelle du numérique, doit être de plus en plus… vivant. Les spectateurs assis qui consomment et applaudissent à la fin est un modèle que s’amenuise, alors que beaucoup d’artistes cherchent, en impliquant les habitants, en sollicitant les spectateurs, à inventer des relations différentes avec leurs publics.
Quelle vision de l’art dans la ville Grand Ensemble véhicule-t-il ?
L’art est une attention. Il suffit d’être attentif aux autres, aux sons qui nous entourent, aux personnes que l’on croise, pour sortir de la banalité et aller vers le sensible. Et pour cela, la ville est un révélateur exceptionnel. Propos recueillis par Luis Armengol
Grand ensemble, dialogue entre un immeuble et un orchestre symphonique, une création musicale de Pierre Sauvageot, Lieux publics & Cie.
Dimanche 24 juin 2018 (18h et 20h) à Avignon, la Barbière avec l’Orchestre Régional Avignon-Provence et la participation des habitants du quartier de la Barbière.
Durée du spectacle : 50 min. Accès libre et gratuit : RDV devant la résidence de la Barbière, 14-20 avenue du Roi Soleil (entre l’avenue Lavarin et l’avenue du Roi Soleil) et 13-15 place d’Aligre, Avignon.