On peut être Méditerranée comme on est Tendance ou Charlie… Ce bassin au passé si prestigieux et au présent si douloureux, irrigue le travail de bien des artistes qui habitent ou ont habité l’un des nombreux pays qui le bordent. Vingt-deux d’entre eux ont ainsi répondu à l’appel, qu’ils viennent d’Espagne ou du Moyen-Orient, d’Italie ou du Maghreb, de Grèce ou de Turquie.
Les pratiques ancestrales, les savoir-faire sont grandement mobilisés, à commencer par le tissage tel que le pratique Teresa Lanceta, ou les panneaux suspendus par la Montpelliéraine Sanaa Mejjadi, originaire du Maroc. Ou comme Sara Ouhaddou et son Je de rôles, où elle mêle des laines de dromadaire, de chèvre et de mouton afin d’ériger des avatars de tentes ancestrales. La céramique n’est pas oubliée dans les grès peints d’Elif Uras sur le modèle des vases antiques et ses cueilleuses d’olives. La plus originale est sans conteste Zoë Paul, avec ses deux tissages sur grille de réfrigérateur et surtout son rideau de perles en forme d’énorme vague. Mais la Méditerranée est aussi le territoire voué aux découvertes archéologiques de premier plan. Le Syrien Elias Kurdy, qui nous vient de Marseille, érige un portique ouvrant sur la mer, en bois, paré de bas-reliefs d’origine fictive et multiculturelle. Andreas Angelikadis imagine, lui, une Room Ruin faite de modules déplaçables en mousse et vinyle. La vie en rose marbré.
La véracité relative de certaines histoires est souvent un sujet d’interrogations, c’est le troisième axe de cette exposition. Nelly Agassi confectionne des assemblages d’objets intimes qui forment un récit, Aysha E Arar ressuscite à l’aérosol des monstres mythologiques que chacun décryptera comme il l’entend. Chiara Camoni réalise des colliers géants dans divers matériaux pour de surhumaines Grandes sœurs. Diana Al-Hadid se souvient de sa visite dans une grotte du Liban et s’en inspire pour une peinture sur fibre de verre, faisant penser à un vitrail. Car, on l’aura compris, les femmes sont majoritaires. Le Libanais Ali Cherri tire toutefois son épingle du jeu avec ses deux sculptures debout, grotesques et cornues, hybrides à souhait et dans des matières brutes, de décoffrage. De même d’Adrien Versovi, qui hante les couloirs avec ses compositions à base de tissus, passés au jus, décoctions et infusions, de paysages. Le groupe mixte et croate TARWUK surprend avec son mannequin costumé semblant dialoguer avec une chaise vide (au dossier tableau).
Chacun prend position en fonction de son appartenance communautaire. D’origine kurde, Melike Kara réalise in situ une fresque tourbillonnaire. Le Bosniaque Mladen Miljanovic peint sur un immense écran en trompe-l’œil le rapport des médias à la mort dans un style hyperréaliste qui détonne. Il est pour cela placé juste avant la sortie. Si l’expo propose majoritairement du tissage, du modelage, de l’assemblage issus des savoirs-faire familiaux ou ancestraux, et des installations pertinentes, la peinture n’en est pas oubliée pour autant (Mounir Gouri), pas plus que la sculpture (Simone Fattal), ni la photo style affiche rehaussée par des perles d’Aïcha Snoussi, créant un personnage hybride empruntant aux traits d’un acteur et de sa grand-mère. C’est dire si ces artistes sont préoccupés par la conciliation des supposés contraires. C’est sans doute ce que signifient les œuvres de l’Égyptienne Nour Jaouda, dans ses ardoises et ses pompons.
BTN
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