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Toulouse : aux Abattoirs, l’univers de Niki de Saint Phalle s’expose jusqu’en mars, par BTN

3 Nov 2022 | Art & Expos, Haute-Garonne, Musées

Un profond, et sans doute irréversible, mouvement est né, depuis les débuts des années 2000, visant à réhabiliter les minorités opprimées par les systèmes patriarcaux qui nous ont précédés. Les artistes qui au féminin en ont longtemps pâti, mais les choses sont en train d’évoluer et c’est tout à l’honneur de certaines, Niki de Saint Phalle en tête que d’avoir participé à ces changements. Les Abattoirs ont choisi de lui rendre hommage, pas seulement parce qu’elle a fait partie du Nouveau Réalisme, a été la compagne de Tinguely, ou a marqué les années 60 par ses tirs à la carabine sur des rétentions de peinture, mais pour ses convictions jamais prises en défaut, pour les causes qu’elle a défendues et surtout par l’ampleur de son œuvre, notamment celle des années 80-90 présentées ici. 

On s’en rend compte dès la nef et esplanade du musée, où des sculptures monumentales impressionnent, qu’il s’agisse de totems des fameuses Nanas, qui l’ont rendue si célèbre, du monstre du Loch Ness ou d’œuvres renvoyant à sa tentative californienne de revisiter la mythologie des lieux (Queen Califia…). Niki de Saint Phalle n’était jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle pouvait se confronter à la nature, quand elle pouvait y inclure ses créatures de polyester peint sur socle de fer, avec un désir évident de pérennité, à l’instar de Gaudi (mais dans un parc de ville) ou du Facteur Cheval (mais en modèle réduit). Un peu plus loin, dans l’exposition, deux salles sont consacrées au Jardin des Tarots ; sis à Capalbio, en Toscane, œuvre totale de toute une vie, inspirée des Tarots de Marseille, qu’elle transforme en sculptures polychromes à l’échelle de l’espace gigantesque mis à sa disposition. Elle se fait chef d’entreprise et de chantier, revendiquant pour une femme un métier d’homme, en avance sur les réclamations d’aujourd’hui.

Toutefois, la sculpture n’est pas seulement sollicitée car l’activité de Niki de Saint Phalle s’est considérablement diversifiée, les dernières décennies de sa vie, dans la volonté affirmée que son art pouvait pénétrer l’espace domestique (fauteuils, vases, chandeliers…), ou s’acquérir aisément (sérigraphies : Black is différent ; litho : La mort n’existe pas), voire se porter dans la rue (foulards, bijoux, parfums). Une salle est d’ailleurs consacrée au Bestiaire de la Femme Serpent, où l’on découvre des flacons illustrés par l’artiste. Par ailleurs, outre les Nanas, Niki de Saint Phalle a été active dans pas mal de causes qui lui tenaient à cœur : la cause féministe bien évidemment (dans la salle 7, l’Ecriture de soi, elle révèle, dans ses écrits autobiographies, le « secret » de famille qui l’a hantée toute sa vie), notamment celle de l’avortement, mais aussi la cause noire qui la concerne de près pour des raisons familiales, l’aide aux malades du Sida (salle 6), par des livres d’artiste, des affiches, des films, et enfin une sensibilité avant-coureuse au réchauffement climatique.

À travers cette exposition, on relit l’œuvre de l’artiste de manière différente. Ses dernières sculptures par exemple, les Skinnies, sont l’exacte antithèse de ses habituelles Nanas toutes en rondeur : elles sont fines et plates, à claire-voie, comme pour laisser pénétrer l’air. C’est l’époque où l’artiste, malade, a du mal à respirer. Elles sont assorties d’ampoules qui apportent l’énergie vitale et peut-être la lumière de l’espoir. La vie demeure une fête. Après la nef et les huit salles, nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec les Traces du sous-sol, où le miroir est mis en exergue, ainsi que les tessons de verre qui jouent un rôle si essentiel dans ses mosaïques. Ils réfléchissent la lumière, la réfractent dans l’espace environnant et donnent ainsi l’impression de se répercuter à l’infini. Niki de Saint Phalle, c’est bien d’autres choses encore, et « la vie joyeuse des objets » révèle bien des surprises. L’arbre de la liberté, qui exalte son vœu d’émancipation, qu’elle aura ainsi partiellement réalisé. Cette artiste majeure est à redécouvrir. Les Abattoirs ne s’y sont pas trompés. Ils avaient l’espace pour ce faire.

BTN

Plus d’informations : lesabattoirs.org

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