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Sète : « Vertiges » et « En dehors », deux expositions à voir au Crac jusqu’au 5 janvier

Sète : « Vertiges » et « En dehors », deux expositions à voir au Crac jusqu’au 5 janvier

On peut aborder l’expo automnale du Crac, selon deux aspects : d’un côté le thème (les artistes et le handicap), le discours qui s’y associe (militant, revendicatif, innovant et par là même dérangeant pour un public validiste), des images troublantes, et de l’autre la stratégie de l’accrochage des œuvres ou si l’on préfère l’occupation de l’espace par les huit artistes présentés, et qui s’avère, comme souvent au Crac, pertinente et réussie.

On est ainsi à la fois dérangés dans nos habitudes et rassurés par la qualité. Chacun d’eux occupe une salle ou deux, et propose des œuvres fortes, en photo ou en installation, en suspension ou au sol, en impression murale ou en vidéo. Même si l’orientation d’ensemble les concerne tous (modifier le regard que le validisme porte sur le handicap), l’exposition dans son ensemble n’a rien de répétitif. Chaque artiste a sa spécificité et les œuvres sont toutes d’une grande puissance suggestive, plastique et esthétique, contrastant avec la fragilité des corps concernés. Parmi les réussites évidentes, Lou Chavepayre met en exergue, dès l’entrée, grâce à un bronze mural, l’Absence de cul qui caractérise la personne en fauteuil roulant. Même référent dans l’installation sonore Cosmo où il est question d’une conversation sidérante avec une astrologue. En outre, la problématique du regard insistant des passants, filmés dans la rue, donne le ton. Quatre tirages en noir et blanc montrent l’osmose entre l’artiste et sa mère qui l’aide à esquisser quelques pas de danse. Dans cette même salle, une colonne morcelée en faïence cuite de Marguerite Maréchal, inspirée de quelque confortement architectural, découvert à Rome. La même artiste a conçu un escalier inversé, en ficelle de jute, face à celui qui mène à l’étage, et qui évoque l’inaccessibilité car il ne descend pas jusqu’au sol. Vers la sortie, une forme molle en laine feutrée, reliée à des dossiers de chaise, est une autre réussite, à la fois plastique et conceptuelle (symbolisant les composantes antagonistes du corps).

La peinture n’est pas absente grâce à Laurie Charles qui  nous offre une série colorée, à l’aquarelle, de salles d’attente selon ses goûts, et surtout grâce à une immense fresque murale qui clôt l’exposition par une série, médiévale, d’espaces de repos idéaux. L’œuvre de Benoît Piron évolue dans des tonalités pastel assez proches, lui qui récupère des draps d’hôpitaux afin de confectionner des fauteuils, lampadaires, patchworks et autres Bedridders plus attrayants, dans une ambiance chaleureuse et douce. Dans un esprit bien plus perturbant, le triptyque de Kamel Guenatri conjugue l’autoportrait à la nature morte, privée ou publique. Ailleurs, on peut voir tout l’appareillage l’ayant amené à prendre une douche performante de pigments. L’un des deux commissaires d’expo, No Anger (avec Lucie Camous) s’est servi de son dossier médical normatif pour fabriquer des armoires à partir desquelles pénétrer dans son intimité à l’aide de documents divers et de vidéos. Dans un polyptyque filmé, Mélanie Joseph s’inquiète de la disparition de la langue des signes au profit des normes « entendantes ». Enfin, la salle 4 projette une rétrospective du cinéaste Rémi Gendarme-Cerquetti et distribue des fanzines militants. On en ressort pas tout à fait comme on était entrés…

À l’étage, nous attendent deux installations vidéo d’Alice Brygo, dont l’une, en triptyque, suit l’ascension d’une montagne aussi fascinante que dangereuse, mais dont on guérit, grâce à la présence providentielle d’un ermite. On y repère un distributeur de boissons, un peu l’équivalent du parallélépipède de 2001, Odyssée de l’espace, que l’on retrouve dans le réel, à l’entrée de la salle de projection. La seconde filme les spectateurs de l’incendie qui ravagea Notre-Dame, immobiles, ne donnant plus l’impression d’exister (autrement que par leur regard résigné). C’est très beau et nous place hors du temps. Presque hors de l’actualité. BTN

Plus d’informations : crac.laregion.fr