Certes, la Franco-iranienne Nazanin Pouyandeh (vue à la Fondation GGL) et la Francilienne Brigitte Aubignac sont toutes deux des artistes femmes, mais elles font aussi confiance au médium naguère décrié qu’est la peinture et, qui plus est, la conçoivent comme exclusivement figurative. Les rapprocher dans un musée aux riches collections de peinture, à majorité masculine, n’est donc pas une aberration, loin de là.
Les corps, dans leurs tableaux, sont omniprésents, l’érotisme y apparaît clairement chez l’une, plus discrètement chez l’autre. Il leur arrive de se représenter dans leurs toiles, et l’on sent poindre, chez les deux, des revendications féministes (la liberté sexuelle chez Nazanin, la difficulté à s’exprimer dans le Cri de Brigitte ou sa référence à Marie-Madeleine, au maquillage sans concession). Pourtant, elles n’appartiennent pas à la même génération (années 1980 pour Brigitte, 2000 pour Nazanin), elles n’ont pas la même origine ni la même histoire personnelle, les thématiques semblent différentes, le style surtout diffère (tendance à saturer la surface d’images nettes et précises chez Nazanin, contours plus imprécis laissant la matérialité de la peinture et les fonds colorés indécis, chez Brigitte).
Et pourtant : elles sont réunies par une même fascination pour la jeunesse (faunesque, animale, facétieuse et inquiétante chez Brigitte, toujours magnifique chez Nazanin), elles ne reculent guère devant des scènes irréalistes, voire oniriques, elles empruntent généreusement à l’histoire de l’art ou des arts en général (Brigitte et ses séries de statues ou de faunes arcadiens, les allusions ouvertes de Nazanin à la grande peinture religieuse, à l’Afrique, au Japon…).
Quarante œuvres nous sont offertes de chacune de ces deux artistes qui ont su faire confiance à la peinture alors qu’on la disait morte dans les milieux autorisés : œuvres plus rétrospectives chez Brigitte, plus exotiques chez Nazanin, dans le sens où l’autre nous enrichit et nous informe sur nous-mêmes. Elles permettront non seulement de découvrir la spécificité de chacune, mais aussi ce qui les rapproche dans une lutte commune. Ajoutons-y leur amour commun pour la peinture dans son expression la plus large. Les deux artistes n’hésitent pas à la mettre en abyme : Nazanin d’un point de vue féminin, la considérant comme un dépassement de la sexualité, une sublimation si l’on préfère. Brigitte en renouant avec le thème arcadien et multipliant les références aux grands noms de la sculpture (Giacometti, Degas, les moaïs de Pâques, les Trois Grâces…) se mêlant aux représentations de statues antiques ou en inscrivant ses personnages dans une nature morte. Nazanin Pouyandeh semble dépasser ses blessures en recourant au tableau comme territoire de liberté et de phantasmes. Brigitte Aubignac, au contraire, exhibe les blessures, celles infligées aux corps de ses statues, aux causes de l’insomnie ou au temps qui passe.
Pourtant, les deux s’entendent pour retourner leur souffrance intime en acte créatif à caractère universel. Voilà pourquoi leur peinture nous concerne.
BTN
Plus d’informations : museepaulvalery-sete.fr
Photo : Nazanin Pouyandeh, Madeleine en Lucrèce – © Galerie Sator