Si le Miam nous a toujours étonnés en faisant voyager ses visiteurs dans le monde entier à la recherche d’une confraternité dans l’art modeste, il franchit une nouvelle étape en mettant cette année en exergue un certain type de handicap, qui n’exclut pourtant pas l’expression créatrice. Le musée s’ouvre, en effet, à l’aventure ardennaise, et belge, de La S, cette ancienne caserne devenue d’abord humble atelier de réflexion créative puis carrément Centre d’art, et qui permet à la déficience mentale d’accéder à des lettres de noblesse, avec l’aide d’artistes chevronnés.
Si l’art contemporain repousse régulièrement les frontières de ses ascendants traditionnels (portraits et paysages en peinture, corps érigé en sculpture, tout type de dessin etc.) du côté de la science, de la politique, de l’Histoire révisée, de l’identité sexuelle, etc. et bien d’autres sujets et disciplines encore, le Miam s’ouvre au continent de l’activité mentale, laquelle repousse également des limites et ne peut que réserver des surprises.
Comme toujours au Miam, la configuration même du lieu suppose un éclairage soigné et une mise en scène spectaculaire. Les œuvres répertoriées témoignent de la diversité des activités puisque l’on y trouve aussi bien de la peinture (Tintin en Amérique ou Trump ; une appropriation brute du Rétable de l’agneau mystique de Gand) que de la photo (la série consacrée à Santa Barbara, la parade de la grand-messe à la S), aussi bien de la gravure sur bois qui s’interroge sur ce qu’il se passe après la mort/après la vie que de la capture d’écran vidéo (merveilleux Frandiscorama, étonnante Sirène !), autant une sculpture, en bronze, de crocodile enneigé, que des dessins numérisés d’incendie menaçant un immeuble par ex ; Ou encore des livres cousus et brodés, un hommage graphique aux joutes nautiques sétoise voire un portrait en pied de Di Rosa; des vignettes aux crayons de couleurs célébrant l’amour dominical, pas très loin d’une Installation en forme d’autel (Ave Luïa) ; un monotype interrogeant Don Quichotte et des Moules Freaks collectives (peinture et collage sur coquillages) ; des affiches réalisées à partir d’images rehaussées et agrandies aussi bien que de la vidéo ou des dessins au stylo bille…
On peut partir de n’importe quel support afin d’enrichir notre réalité de fictions modestes qui nous en disent beaucoup sur notre univers intérieur, ses limites et nos hantises les plus tenaces. La marge a beaucoup à nous apprendre d’autant qu’elle relie les pages de la société. Toujours est-il que l’espace est découpé en six sections : l’une consacrée aux génies du lieu (la région ardennaise et ses spécificités), une autre qui sollicite quelques cinéastes décalés (Cinémodeste), une troisième livrée aux libertés indomptées (et qui ne se soucie guère de « bien-pensance », ni de politiquement correct), une encore à un voyage dans le virtuel (How soon is now ?), un salon de lectures avec des récits de vie (Une Histoire vraie !), authentiques et sans concession, assorties de livres faits mains. Enfin, en bouquet final, une Communion de figures diverses relevant de l’univers religieux, si cher au plat pays, avec force vierge, tabernacles et crucifix.
La plupart des œuvres, fruits d’une collaboration entre deux ou trois artistes, relèvent d’un art brut, mais qui interroge l’art contemporain dont il est souvent si proche, car celui-ci aime à s’aventurer du côté de l’enfance, des sociétés primitives, de la folie parfois. L’art est universel et ne se soucie guère des catégories élitistes qui en déterminent la valeur estimée. Il n’exclut en outre pas le décalage ainsi que le rappelle le surréalisme belge et tous les spécialistes de l’autodérision. Les noms des artistes ici importent peu et au contraire incitent les supposés non-déficients à un peu plus de modestie. Ce en quoi le Miam remplit parfaitement sa mission et ouvre de nouvelles voies à l’art en général, qu’on le dise ou pas contemporain.
BTN
Plus d’informations : miam.org