Jean Lurçat, le maître de la tapisserie contemporaine, a voué le dernier tiers de sa vie d’artiste à la céramique. Celle-ci correspondait à sa volonté de maintenir un contact familier avec le public, habitué à des objets domestiques, vases, plats, pichets, soupières, carreaux, pas forcément aux dernières innovations de l’art moderne. Or c’est dans l’atelier perpignanais de Sant Vicens, en collaboration avec des artisans audacieux, inventifs et scrupuleux, que Jean Lurçat a produit un grand nombre de pièces, que le musée Rigaud présente aujourd’hui.
La céramique, tout comme la tapisserie, est revenue en force de nos jours avec la considération accordée par l’art contemporain aux pays émergents et à leurs traditions spécifiques, et aussi en tant que résistance aux technologies de l’immatériel. Jean Lurçat s’est ainsi éloigné d’une certaine tradition afin d’introduire des motifs simples, compréhensibles par le plus grand nombre et relevant d’une symbolique qui lui est particulière. Ainsi recourt-il, dans son œuvre, au bestiaire du bouc, ou du bélier, créatures terrestres à l’instar justement de la matière à manier, ou encore du coq, incarnant de surcroît l’aurore et ses feux. Mais aussi à des êtres signifiant l’eau, tels le poisson ou la sirène ; l’air, à l’instar des papillons ; ou le feu que l’on découvre dans l’un de ses chefs-d’œuvre, la tapisserie de basse lisse : Apollo, le Soleil.
Cette exposition, si elle présente essentiellement des céramiques, et notamment celles que Lurçat s’est ingénié à peindre, revient sur les deux activités essentielles qui ont rendu son œuvre célèbre : la peinture, qu’il a pratiquée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et la tapisserie qu’il a contribué à rénover et à imposer. La première, en phase avec le cubisme, le fauvisme et même un certain orientalisme de l’entre-deux guerres, ancre sa production dans la modernité, et l’on peut dire aussi l’urbanité ou la mondanité puisqu’il collabore avec les arts du spectacle. Toutefois, l’Histoire le rattrape, sa palette s’assombrit et il renonce à la peinture de chevalet pour des fresques monumentales. Il découvre l’immense tapisserie de l’Apocalypse à Angers et se consacre alors à la tapisserie qui lui vaudra la gloire notamment avec son fameux chant du monde, où se révèle son inquiétude et son engagement humaniste jamais pris en défaut. Il simplifie les formes, découvre la faïence, limite la palette des couleurs, et sait trouver les associés compétents. À l’instar de ses confrères Maillol, ou Miro, et même Dufy, Lurçat expérimente la céramique, dans cette Catalogne qui est le pendant pictural de la Côte d’Azur, chère à Picasso entre autres. Au musée Rigaud, on découvre cette production originale qui se voulait libre et enthousiaste, généreuse et confiante en l’homme. Avec un seul mot d’ordre : « Liberté », emprunté à Éluard.
BTN
Plus d’informations : musee-rigaud.fr