Une star bouleversante
Isabelle Adjani n’a plus rien a prouvé. La star n’a pourtant pas hésité à se jeter corps et âme dans le projet de Cyril Teste, Opening Night**** d’après le scénario de John Cassavetes. L’histoire d’une comédienne au sommet de sa gloire, Myrtle Gordon, qui assite à l’accident mortel d’une ses jeunes admiratrices, Nancy. L’actrice est obsédée par cette fin cruelle, qui l’entraine dans une longue descente aux enfers. Grand spécialiste de l’hybridation cinéma/théâtre, Cyril Teste propose un spectacle total. On assiste à la répétition d’une scène filmée en direct, projetée sur un écran géant. Les comédiens jouent à être les acteurs du film. Un petit jeu cruel qui les met en abyme. Les artistes sont amenés à se remettre en question pendant toute la représentation. Ils doivent s’oublier pour incarner leur personnage. Adjani/Gordon, se cherche, se perd, se décourage, elle n’aime pas cette femme qui a ses yeux ne fait rien passer, est vide. Elle accepte de douter pour finalement devenir cette alcoolique bouleversante dévastée. Elle émeut. Elle s’expose, sans fard, dans toute sa fragilité, on pense à Elisabeth Taylor dans Qui a peur de Virginia Woolf ? Quelle humilité. Ces deux partenaires, Morgan Lloyd Sicard et Frédéric Pierrot, sont eux aussi admirables. Cette hybridation à deux niveaux, cinéma/théâtre et théâtre en train de se faire peut dérouter, ce n’est pas notre style de travail préféré. Mais parfaitement maîtrisé par Cyril Teste, on se laisse emporter sans réserve.
Lumineux
La pluie s’est invitée à 21 h, alors que la météo l’annonçait pour 19 h, ce 14 juin. D’averse, elle s’est installée en crachin. Jouera ? Ne jouera pas ? Finalement avec un peu de tard le temps d’essuyer les sièges, le public a pu pénétrer dans l’amphi pour assister au plus beau spectacle de cette édition, Tous des oiseaux***** de Wajdi Mouawad. Parfait. L’auteur nous avait enthousiasmé il y a cinq ou six ans avec son Obus dans le cœur, un spectacle intimiste mais puissant. Là, pendant quatre heures qui filent plus vite que le temps, on assiste à un drame familial imprégné dans la grande histoire. Un jeune juif, d’origine allemande tombe amoureux d’une Palestinienne musulmane au grand dam de ses parents. De son père David notamment. Le contexte historique, les attentats qui se multiplient en Israël et en Palestine entretiennent la haine entre les deux peuples frères. La tension monte d’acte en acte, elle devient insoutenable. Rien ne peut rabibocher le père, le fils, le grand-père, sans doute à cause d’un lourd secret. On assiste impuissant à ce drame familial. Le texte de Wajdi Mouawad, s’adapte aux situation, léger, tendre, poétique, violent, parfois cru, il est joué dans la langue des protagonistes : allemand, hébreu, arabe, anglais, les traductions font partie du décor, elles ne gênent aucunement. La musique originale d’Eleni Karaindrou, remarquable, et la bande son qui donne des frissons, concourent à l’ambiance suffocante. Un spectacle lumineux, sur un thème sombre. Non la guerre n’est pas jolie, mais transcendée ainsi elle suscite un enthousiasme inconditionnel et une ovation debout unanime.
Dans une décharge
La beauté vient de la laideur, des résidus, des poubelles. La Cie Pré O coupé en est intimement persuadée. Elle en fait une démonstration éblouissante dans Tout est bien ! ****, un spectacle de cirque créatif, oh combien et délirant. Totalement décalé sur une idée de Nikolaus Holz, un des artistes fondateurs de la troupe. Un monde décadent, où tout fout le camp, ou tout cloche, où les pauvres sont toujours plus pauvres et les nantis toujours plus riches. Sous un chapiteau plongé dans la bouillasse, les six artistes évoluent dans un bric à brac invraisemblable, directement sorti d’une décharge. Au fil du spectacle, le vieil escabeau rouillé devient trapèze pour Noémie Armbuster, seule femme du spectacle, qui accompli un numéro exceptionnel. Un phénomène comme ses cinq compagnons, habillés dans une poubelle. Un peu Le Père Noël est ordure au cirque. Ils sont tous affreux sales à méchants, ils vont jusqu’à prendre des spectateurs en otage ; ce pourrait être affligeant, mais c’est drôle et d’une inquiétante beauté.
Ah Karl Marx !
Mais qui est donc ce personnage à tête rouge qui avance en se faufilant parmi les pins, il s’approche du chapiteau ouvert ? Mais oui c’est Karl Max qui fait son entrée dans Banquet Capital***. Autour d’une table de banquet réduit à quelques sandwichs arrosé de gros rouge, il n’est question que de révolution, de lutte des classes, et de condamnation à l’encontre des déviationnistes, sans autre forme de procès. Rien de réjouissant. Et pourtant ce spectacle est un des plus rafraichissants de cette édition. Grâce en soit rendue à Sylvain Creuzevault, le metteur en scène et la Cie Le Singe qui nous ont beaucoup fait sourire.
En revanche si Le décor et la mise en scène de David Lescot étaient réussis, Une femme se déplace** nous a laissé sur notre faim. La faute sans doute à la minceur du propos. Une femme a la possibilité de remonter dans le temps et aussi de se projeter dans le futur. Une femme banale à qui tout semble réussir. Malgré les comédiens, en particulier Ludmilla Dabo, chanteuse exceptionnelle, on s’ennuie rapidement. Le spectacle s’étire plus de 2 h durant. Une comédie musicale ? Certes, mais la musique ne nous pas convaincu.
MCH
Derniers spectacles au Printemps de Comédiens
The Cherry orchard, La Cerisaie, de Tchekhov, mise en scène Simon McBurney, International Theater Amsterdam, une première en France, spectacle en néerlandais surtitré, 29 et 30 juin Théâtre Jean-Claude Carrière.
Le cirque piètre, de et avec Julien Candy, une sorte de florilège de ses créations, à faire découvrir aussi enfants, dès 8 ans, jusqu’au 29 juin, sauf le 27 juin, IME La Pinède, Jacou.
Jusqu’au 30 juin, 178 rue de la Carrierrasse, Montpellier. Tél. 04 67 63 66 67. www.printempsdescomediens.com