On a pu découvrir le travail documentaire de Laurie Dall’Ava, récemment à Mécènes du Sud. Des baguettes en laiton, de sourcier, un baquet circulaire en bois issu d’un autre temps, une sorte d’auge à graines, un pic de chamane, une photo pariétale avec crânes, permettaient de se faire une idée des directions prises par son travail : fouiller du côté de l’ancestral, reconsidérer avec le recul l’étrangeté du monde rural et les traditions oubliées, s’intéresser à tous les savoirs autres que celui fourni par le rationalisme et la science moderne.
Ce qui domine pourtant dans sa production, ainsi que l’on pourra le constater à Labège, avec son projet intitulé Anesthésie, c’est l’appropriation de sources documentaires, le plus souvent sur photographie, adaptées à une échelle nouvelle et à un support inédit. En l’occurrence, ce sont tous les états limites, de la transe à l’hypnose en passant par la possession qui interroge au fond ce qu’il en est de la vérité profonde des êtres.
Ainsi Laurie Dall’Ava se plonge-t-elle dans les rituels immémoriaux conduisant vers la guérison de l’être en souffrance, dans les arcanes de l’esprit. Tels qu’ils se manifestent en réactions corporelles, et dans une perspective de relation à la Nature ou au monde, dans les puissances telluriques comme à tout ce qui tourne autour du feu et de ses secrets, ses effusions (volcaniques, bulles d’air, solfatares), ses techniques (la forge, la mine…), sa symbolique (l’alchimie).
Les images, collectées à la manière d’un archéologue, abondent mais se concrétisent de temps à autres en objets, ou matériaux naturels, sauvées des injures du temps, qui sont comme des preuves et témoignages indiciels d’une autre façon de penser le monde, voire d’un état d’esprit et de création qui nous échappe aujourd’hui.
Le chamanisme, remis au goût du jour depuis le livre – puis le film – de Corinne Sombrun en particulier, ouvre des voies inouïes à une connaissance plus caverneuse, plus souterraine de l’être. Naturellement images et objets cohabitent et créent des liens avec une pensée que l’on pourrait qualifier de sauvage, en référence aux théories de Lévi Strauss. Où la magie n’était pas reléguée à la périphérie des savoirs. Où le rapport au monde n’était pas clivé, exclusif, compartimenté. Où l’esprit communiant avec les forces de l’univers ne signifiait pas folie ou marginalité.
La production de Laurie Dall’Ava est donc ambitieuse puisqu’outre la transcription plastique et artistique de coordonnées archivistiques, elle se soutient d’une conviction qu’elle entend bien faire partager aux visiteurs. D’où le caractère immersif de ses expositions, et l’apport de la musique répétitive censée nous plonger dans un état second, solliciter le corps et par là même toucher la part secrète de notre être archaïque. Celui de musiques du monde aussi, attribuant un caractère universel à cette relation nouvelle antre le corps et l’esprit d’une part, ce dernier et le monde de l’autre. Celui du texte enfin qui peut apporter sa clarté comme son mystère.
On n’est pas loin d’une définition de l’artiste comme chamane, ouvrant les voies de l’inconnu, de l’invisible, de l’ailleurs. Au fond, il est question ici des origines de l’art…
BTN
Jusqu’au 14 mars – 1, rue ancien château à Labège (31).
Tél.05 62 24 86 55.