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Entretien avec Karine Mathieu, Directrice artistique de Memento

18 Juil 2024 | Arts plastiques, Expos, Gers, L'Actu, Les interviews

« Memento, au-delà d’être un espace d’exposition, est une réelle maison publique d’interconnexions.”

Depuis 2016, Memento, centre d’art contemporain à Auch, organise de grandes expositions d’été. Il tend également à multiplier les interconnexions entre un vaste public et la culture en proposant une pluralité d’évènements au sein de ses murs et à l’extérieur. Sa directrice artistique, Karine Mathieu, a mis en place une nouvelle exposition Union Libre sur la thématique de la communauté du 8 juin au 13 octobre. 

Quelle est l’histoire de Memento et comment en arrive-t-on à créer un lieu d’art contemporain ? 

L’histoire de Memento est celle d’une découverte. En 2016, lorsque je travaillais au musée des Abattoirs Frac Occitanie de Toulouse en tant que chargée d’exposition, j’ai rencontré le Conseil départemental du Gers qui m’a présenté un lieu patrimonial fermé depuis dix ans. Il s’agissait d’un ancien carmel devenu archives départementales. Le conseil départemental souhaitait transformer en lieu culturel. En le visitant, il m’a renvoyé à une réflexion que je menais déjà auparavant : comment créer une rencontre entre l’art contemporain et des lieux qui n’y sont pas dédiés et portent une réelle singularité par leur mémoire et architecture ? Pour Memento, c’était parfait parce que tout et rien n’allait à la fois. Les espaces ont chacun leur propre identité : ancienne chapelle des carmélites, appartement des années 70… Il est apparu évident qu’il fallait y ajouter une nouvelle strate : celle de la création artistique en lien avec la mémoire du lieu.

« Nous souhaitons que l’exposition soit un espace de rencontre, de partage, d’interconnexions. »

Chaque année, vous proposez une nouvelle exposition. Quelles sont les autres missions de Memento ? Comment se structure le lieu ? 

Nous travaillons autour de deux temporalités. La première a lieu de novembre à avril ; nous mettons en place des actions de sensibilisation auprès de différents publics sur le département du Gers. Cela se traduit par des interventions, des activités dans des centres sociaux, des établissements scolaires… Durant cette période, nous travaillons à partir de l’ossature de Memento : c’est-à-dire aller dans des endroits qui ne sont pas dédiés à l’art contemporain. Cela permet de créer une véritable mobilité sur un département vaste avec des gens qui n’ont pas toujours la possibilité de se déplacer. La deuxième période de temps a lieu lors de l’exposition annuelle et s’écoule sur cinq mois. Toutes les programmations sont pensées autour de l’exposition, avec des concerts, des rencontres, des événements. Nous souhaitons que l’exposition soit un espace de rencontre, de partage, d’interconnexions.

Vous parliez de la difficulté de se déplacer dans des départements ruraux comme le Gers. Comment est-ce que vous voyez le rôle d’une structure d’art contemporain comme Memento ?

Nous avons développé plusieurs axes, notamment l’idée de positionner l’art contemporain au centre d’un schéma touristique départemental. L’idée, c’est de collaborer avec d’autres institutions pour proposer au public de se déplacer sur quelques jours en vue de participer à plusieurs activités, expositions… Une autre problématique liée à celle-ci est l’exclusion mentale : le fait que certaines personnes se restreignent à certains domaines parce qu’elles en sont éloignées. Nous souhaitons inciter les personnes à aller vers l’inconnu. Pour cela, nous essayons de travailler un espace dans lequel tout le monde peut se laisser aller à une transmission d’émotions, d’imaginaire sans qu’il y ait un rapport de jugement. L’objectif est de guider les visiteurs pour qu’ils éprouvent autre chose que l’aspect pragmatique du quotidien. L’art n’en est pas pour autant déconnecté du quotidien : il le nourrit. Nous voyons l’art comme un soin dans le sens où ces espaces de partage permettent de se faire du bien mutuellement. 

« Ces valeurs se sont également la croyance dans l’art : cette conviction que l’art fait du bien et que l’énergie qu’il provoque se transmet. »

Cette année, l’exposition se nomme Union libre et a pour thème la communauté. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment fait-on communauté en présentant neuf artistes aux techniques et propos différents ? 

Union Libre est un écho à la mémoire immatérielle du lieu : cette ancienne communauté de religieuses avait une croyance commune telle une micro-société. La question a alors été : quelles sont nos valeurs communes ? Il est apparu que cela portait sur la conception de l’art : une discipline exigeante qui suscite le plaisir du travail et qui permet de concevoir un espace de rencontres et d’interconnexions. Ces valeurs se sont également la croyance dans l’art : cette conviction que l’art fait du bien et que l’énergie qu’il provoque se transmet. C’est comme cela qu’a été pensé Union libre  : une histoire collective avec des artistes et des commissaires d’expositions aux approches différentes, mais qui partagent ces valeurs-ci.

"Floating Spaces - Lost Paradise" (2024) d'Amir Youssef présenté à l'exposition "Union Libre" de Memento

« Floating Spaces – Lost Paradise » (2024) d’Amir Youssef présenté à l’exposition « Union Libre » de Memento

 

Dans cette optique de faire communauté : comment les œuvres ont-elles été créées ? Les artistes ont-ils échangé ?

Cette année, les œuvres sont issues de trois configurations de créations. Certains artistes sont en résidence. Dans ce cas, ils créent des œuvres spécifiquement pour l’exposition. Dans d’autres cas, nous repensons des œuvres déjà existantes par rapport au lieu. Certains artistes disent que nous sommes dans une forme de recréation, je le vois davantage comme une partition musicale que nous rejouons. Le dernier cas de figure est celui des prêts d’œuvres. En plus de cet aspect, les artistes ont pu effectivement échanger entre eux, notamment Nova Materia et Amir Youssef qui se sont rencontrés pour voir comment leurs pièces pouvaient interagir. Mais ce n’est pas une nouveauté, dans le passé, certains ont même formé des collectifs à la suite de l’exposition. Memento, au-delà d’être un espace d’exposition, est une réelle maison publique d’interconnexions.

Recueillis par Eva Gosselin et Hortense Louard

Pour plus d’informations : memento.gers.fr

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