Saint-Guilhem-le-Désert : entretien avec Gisèle Clément pour la 6e édition des Marteaux de Gellone

Gisèle Clément  a fondé en 2014 le Centre International des Musiques Médiévales, du Ciel aux marges. Élève du Conservatoire National Supérieur de Musiques et de Danse de Paris, elle est aujourd’hui enseignante chercheuse à l’Université Paul Valéry Montpellier 3.
C’est dans ce magnifique lieu de Saint-Guilhem-le-Désert, sous les voûtes millénaires de l’abbaye, en souvenir du chant des moines célébrant Guilhem, cousin de Charlemagne, soldat légendaire devenu saint, que les troubadours ont mythifié dans la fameuse chanson de Geste de Guillaume d’Orange, que le festival des Marteaux de Gellone épousant cette longue tradition musicale va du 19 au 28 mai, ouvrir sa 6^e édition. Rencontre.

Il est sans doute à travers cette création perpétuer, entretenir et conserver des racines ?

Oui, c’est une façon de travailler à la racine et à l’identité.  Mais élargir vers les questions liées à la matière sonore. Donc développer avec les chanteurs et les instrumentistes professionnels spécialisés, une projection des savoirs orientée vers le spectacle vivant et la formation pratique. Tout cela articulé avec la richesse des altérités culturelles et humaines en présence. Cette période historique en Occitanie, terre des troubadours, est extrêmement riche, inspirante

Sur quoi portent vos recherches ?

Sur le chant liturgique occidental. Plus spécialement sur les chants de procession, genèse du procesionnal, la constitution et la circulation des répertoires entre le IXᵉ et le XVᵉ siècle, sur les offices de saints et sur le motet des XIIIᵉ et XIVᵉ siècles.

D’où vient ce désir de fondation du CIMM ?  Quel est son rôle ?

L’idée force est la notion de synergie, désir de fédérer ce qui a trait aux Musiques médiévales, qui relève des formations, répertoires, l’archéo-lutherie, restitution d’instruments, ateliers de fabrication et de recherche. Le CIMM a trois missions : l’aide à la création, la diffusion et la formation. Le CIMM a créé une relation riche et profonde entre artisans, chercheurs, étudiants et public permettant le questionnement essentiel sur la modalité, la vocalité, les sonorités, liées au geste et au corps. Il permet de faire connaitre cet imposant patrimoine de musiques médiévales qui n’en sont pas moins musiques vivantes.

Des musiques qui apparaissent parfois comme venues d’un autre temps…

Elles relèvent d’une altérité sensible, proposant un voyage sonore et imaginaire vers l’ailleurs, un ailleurs dont nous sommes héritiers, qui va au-delà des espaces, de la temporalité. Elles éclairent d’un autre regard l’approche musicale, donnent des clés pour comprendre ou reconstruire ce qui a été oublié. L’inscription dans la scénologie du spectacle contemporain promeut les processus de recherche et de création. La musicologie concrète pose les questions du faire, les principaux partenariats aidant en ce sens.

Le Festival Les Marteaux de Gellone ouvre sur le spectacle vivant et la contemporanéité avec une édition rare ?

Dans ce lieu qui depuis des siècles guide visiteurs et pèlerins jusqu’à l’ancienne abbaye de Gellone, un chef-d’œuvre du premier art roman languedocien, sommet de l’art monastique qui participe aussi de la qualité des rencontres avec les interprètes, expériences de moments musicaux subtils, l’attention pour cette occasion d’ouverture à l’autre, à la richesse de la différence. Le festival qui présente la partie visible et audible du CIMM au grand public, est un grand rendez-vous français des musiques médiévales, qui dans une approche historique, anthropologique et vivante, déroule concerts, colloques, ateliers et salons.
La 6ᵉ édition s’inscrit dans l’interculturalité entre un Moyen âge et des échos contemporains sur une portée d’artistes de grand talent avec les Chantres du Thoronet, dirigée par Damien Poisblaud, la compagnie Orion, fondée et dirigée par Marie-Virginie Cambriels, Françoise Atlan, interprète des traditions judéo-espagnoles et judéo-arabes, le luthiste également joueur de vièle à archet, Brice Duisit, et Nidhal Jaoua, membre co-fondateur du groupe jazz Oil, le Duobois passionné de hautbois et de cornemuse des pays d’Oc  : Maxence Camelin et Adrien Villeneuve,  Nirmalya Dey, maître du chant  Dhrupad en dialogue musical avec Damien Poisblaud, restaurateur du chant grégorien, sans oublier Into the Winds, un quatuor de musiciens spécialisé dans la pratique des instruments à vent anciens. Noter que se produira la promotion 2023 de l’Ensemble École. Et, pour ceux qui souhaitent en savoir plus, suivre le colloque hautbois médiévaux et traditionnels : organologie, facture, modes de jeu, fonctions, sessions d’archéo-musicologie expérimentale.

                                                                                                                   Propos recueillis par MJ.L

Plus d’informations : cimmducielauxmarges.org