Fééries au Printemps
Un proscenium, couvert de papiers froissés, de ci de là une pointe de rouge au fond des personnages aux allures grotesques, vêtus de blanc, se détachent sur un fond bleu glacier. Le choc en pénétrant dans le théâtre Jean-Claude Carrière. Une silhouette filiforme s’avance lentement, très lentement en faisant crisser les papiers froissés. Ainsi commence Ubu***** d’après Alfred Jarry, version Bob Wilson. Le metteur en scène s’inspire également de Miro fasciné lui-même par l’œuvre subversive de Jarry, qui a créé des dessins et des marionnettes à partir de la pièce. Le personnage d’Ubu à la fois terrifiant et absurde, correspond bien à l’état d’esprit « pictural » de Wilson. « L’Image scénique est une sorte de masque pour le texte », soutient-il. C’est ainsi que le public est invité à recevoir le spectacle. Comme une succession de tableaux reprenant les différentes étapes de la vie de ce personnage extravagant. Tantôt des ombres chinoises fantasmagoriques sur fonds rouge ou vert tilleul, tantôt une armée avec sabres de bois. Oui, la guerre est ridicule, aujourd’hui celle d’Ukraine comme autrefois les précédentes. Que le texte soit en anglais ou en français importe peu, on entre dans ce théâtre à l’esthétique subtilement raffinée, avec délectation. Une petite heure féérique. Le dernier géant du théâtre à 81 ans nous a comblés, enthousiasmés. Un chef-d’œuvre absolu.
De féérie il est question dans les deux pièces de Shakespeare données au Théâtre des XIII Vents, par la Bulle bleue et la Cie Interest/ces. Un projet ambitieux mis en scène par Marie Lamachère que La tempête*** et Le songe d’une nuit d’été***, les deux fantaisies imaginées par le dramaturge anglais. Dans la Tempête, l’île de Prospero devenu magicien et Miranda sa fille, est peuplée de sons le décor montre une pluie de lettres échappées des mots. Autres habitants de l’île Ariel un esprit emprisonné dans un arbre et Caliban un être monstrueux. Les courtisans échoués sont filmés sur une plage. La magie vient de ce va-et-vient entre l’image et la cabane. Le songe d’une nuit d’été voit se croiser le monde des artisans, celui des fées, celui des amoureux. Les acteurs se déchainent joyeusement. La scène délirante du mur en plâtre, censé isoler les deux amoureux, incarné par un comédien ruisselant de crème blanche, provoque un fou rire général. Qu’ils soient de la Bulle bleue, en situation de handicap ou de la cie Interest/ces, les artistes jouent avec fougue et enthousiasme. Et nous emportent dans ces fééries shakespeariennes. Un pari réussi.
MCH
Prochains spectacles :
- Les 16 et 17 juin, Domaine d’O : Carmen., d’après Georges Bizet, Ludovic Halévy, Henri Meilhac, François Gremaud.
- Les 16 et 17 juin, Domaine d’O : Der Wij (Le Vij), d’après Nicolas Gogol, Kirill Serebrennikov.
- Du 15 au 17 juin, Domaine d’O : Rosa (titre provisoire), d’après William Faulkner, Séverine Chavrier.
- Les 16 et 18 juin, Domaine d’O : Giselle…, d’après Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges, François Gremaud.
- Les 16 et 17 juin, Hangar Théâtre : Le Souper, Julia Perazzini.
Plus d’informations : printempsdescomediens.com