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Lodève : « En route vers l’impressionnisme » l’exposition d’hiver du musée de Lodève, jusqu’au 19 mars, par BTN

12 Oct 2022 | Art & Expos, Hérault, Musées

Certes la relation entre ce haut canton de l’Hérault et la prestigieuse ville royale de Reims peut paraître a priori surprenante. Sauf qu’il est bon pour tout le monde que les œuvres, a fortiori en stand-by, voyagent et qu’il est intéressant, dans le sud, de voir comment la notion de paysage a été conçue dans le nord. Car c’est le paysage qui a été choisi comme thématique des emprunts faits au musée des Beaux-Arts de Reims, célèbre pour ses Corot, l’un des peintres français les plus attachants, les plus élégants, avant la révolution impressionniste. Nul ne sut, comme lui, manier le contraste saisissant entre une frondaison luxuriante et baignée de tons verts, avec une discrète pointe rouge sur une coiffe, et un fond urbain, tenu à distance, groupée autour de sa cathédrale ancestrale. Quant au paysage, Yves Bonnefoy s’inquiétait naguère de son éventuelle disparition. Au sens propre comme au figuré – et l’on voit bien de nos jours combien la nature régresse et modifie notre approche, esthétique ou physique, des lieux et arrière-pays. 

La question ne se posait pas de la même manière au milieu du XIXe siècle où l’attrait pour le paysage était une façon de résister à la révolution industrielle, un dernier sursaut pour maintenir un ordre naturel immanent, sans doute aussi une certaine subjectivité favorable à l’individu, ou un rapport équilibré entre les réalisations humaines et les naturelles. D’où l’importance des peintres dits de Barbizon, présents dans cette sélection, et qui ont préparé le terrain de l’impressionnisme mais méritent d’être contemplés pour eux-mêmes, comme tels. Charles-François Daubigny et ses bords de l’Oise ou Henri Harpignies et son clair de lune dans les environs de Marseille pour l’exemple. Plus des personnalités pré-impressionnistes qui étonnent encore par leur innovation tel Eugène Boudin, le roi des ciels, lequel sait transformer un départ de régate vu de la plage en lutte atmosphérique emplie d’épreuves et menaces. Ou J. B. Jongkind dont on a du mal à croire que ses sombres et turbulents moulins de Rotterdam ou ses couchers de soleil en Hollande ont été réalisés de mémoire en son atelier français. La mer est d’ailleurs omniprésente pour tout ce qu’elle incarne ou suggère, et les artistes sont sensibles aux variations de lumière, diurne, crépusculaire, vespérale ou nocturne. Si l’on note la présence de Millet ou de Courbet, on se sustente des quelques tableaux impressionnistes, notamment de Sisley et sa rade de Cardiff, de Monet qui brosse les falaises de Belle-Île comme il avait traité la cathédrale de Rouen, et une œuvre tardive de la période nacrée de Renoir, lui que l’on associe plutôt au portrait individuel ou de groupe. En fait, on tourne autour du mouvement plutôt qu’on ne l’illustre.

On redécouvre des artistes plus discrets, tel le Henry Moret de Brume sur la rivière de Pont-Aven ou le scintillant Maxime Maufra, rendant hommage à la fée électricité, telle qu’on la découvrait avec enchantement, dont les feux nocturnes se répercutent sur le fleuve qui reflète la capitale, pont d’Iéna. On s’achemine ensuite vers la modernité, d’abord avec les quais de Marquet, l’homme qui a simplifié la peinture, puis des artistes du XXe siècle telle Denise Esteban, sa vision de l’île d’Yeu, car il n’est plus question désormais d’imaginer la moindre exposition sans une présence féminine au moins, ou Joseph Sima et son paysage de Brie. On revient également de cette manière au paysage champenois, ainsi que le rappelle un titre de Paul Bocquet. Ce style d’exposition est l’occasion de se replonger dans un passé qui servit de source à notre modernité, de mesurer notre relation actuelle au paysage et de nous interroger sur l’ampleur des progrès accomplis depuis, pas forcément pour le meilleur. Des noms comme ceux de Félix Ziem (Barques échouées), Stanislas Lépine (Les bords de La Marne) ou Frits Thaulow (La Fabrique en Norvège) ne nous sont plus familiers, mais ils témoignent de l’esprit de ces époques nous ayant précédés et qu’il nous arrive de considérer avec nostalgie. Pour un musée de Province, il est important de se faire connaître et de fidéliser son public. Le musée de Lodève fait ce qu’il faut pour cela. Car comment résister à un tel déferlement de Corot…

BTN

Plus d’informations : museedelodeve.fr

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