On sait que le philosophe et théoricien de l’aura dans l’art, Walter Benjamin, est mort à la frontière espagnole, toute proche, pour échapper au fascisme. On mesure alors la relation tragique qu’il a entretenue avec les abus du pouvoir. D’où la pertinence de cette exposition, dans ce lieu qui lui est voué, et où chacun évaluera la relation des artistes de l’art contemporain avec le pouvoir : soumission, compromission, complicité, recul critique, ironie ou postulation s’imposant en contrepouvoir ?
Bernard Pras a choisi l’hommage ironique, à une figure locale, le grand peintre Hyacinthe Rigaud dont le musée de Perpignan porte le nom. On connaît tous son fameux portrait de Louis XIV à la soixantaine, en grand habit d’apparat. L’artiste en reprend la configuration générale mais avec des produits de ménagère de supermarché : papier toilettes, barre de chocolats, canettes… Ainsi la figure du pouvoir est sans doute ridiculisée et suggère que, sans menace de sanction, Rigaud eût sans doute aimé avoir ces éléments de critiques à sa disposition. Mais aussi que tout est bon à récupérer pour la pu-
blicité et la société de consommation en général. Y compris les images les plus terrifiantes. Philippe Mayaux précise un peu la même chose avec son portrait d’Hitler intitulé le repoussoir. Et que dire du fameux bibendum Michelin, transformé en homme de la communauté noire, s’appropriant l’un des symboles de la réussite industrielle, par Peinado ?
Trente artistes ont été sollicités et pas des moindres puisque l’on relève les noms de Declercq, Delvoye, Hortala, Hucleux, Kruger, Labelle Rojoux, Leccia, Lesueur, Quigmei, Ramette, Pencréac’h, Serrano, Taroop et Glabel, et même l’inattendu Philippe Katerine. Une œuvre tranche par son immédiateté de lecture : le Héro and God, d’Alexandre Kosolapov. Un bronze ou le petit Mickey est tenu par la main par le Christ et par Lénine. Et nous sommes sans doute restés un peu des Mickey, par rapport aux fois diverses qui nous animent et nous font vivre, souvent à notre insu, en parfaite subordination.
BTN
Jusqu’au 16 octobre
Place du Pont en Vestit. Tél. 04 68 60 33 18.